WHY? – Eskimo Snow
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Plus que jamais la question est ouverte : Why? Peut-être parce que le génial Yoni Wolf et ses acolytes débordent à ce point de talent qu’il serait vain, pour eux, de se cantonner à un seul style musical. Issu de la branche très fermée du hip-hop, Yoni – leader du groupe – n’a eu de cesse de braver les codes et conventions, en perçant, du bout de sa plume habile, la bulle hermétique qui entoure les genres musicaux qu’il aime explorer. Difficile de faire un choix quand on est bon en tout. Progressivement, l’électron libre a chiné de-ci de-là les matériaux qu’il estimait les plus en phase avec son inspiration du moment. Et bien que frappé du syndrome de l’émigrant – étranger tant dans son pays d’origine que dans celui d’accueil – le fureteur a su trouver, au sein d’un no man’s land à mi-chemin entre ses premières amours et la pop musique, une formule relativement novatrice qui a fait mouche.
"Eskimo Snow" est une nouvelle étape pour Why? ; un grand saut sans filet ; un igloo dans lequel d’aucuns s’agglutineront gaiement, et moi le premier, tandis que d’autres détourneront le regard. A peine commence-t-il à récolter les éloges d’un public conquis par la fusion atypique des univers, que déjà, le groupe boude la recette somme toute digérée, pour s’essayer à un hors piste organique assez risqué. Cette fois-ci, la frontière est franchie : c’est totalement dénué d’appui hip-hop que les Américains dévalent la poudreuse pop, comme ça, sans calculer. Tant pis si l’écho de cette nouvelle trajectoire déclenche une avalanche qui en perdra plus d’un en chemin. Certains – notamment ceux-là – qualifieront l’album de rebut, arguant qu’"Eskimo Snow" n’est que le produit des chutes d’"Alopecia". Pour ma part – et le titre n’y est pour rien – je scanderais volontiers qu’il en est la crème. On se croirait en présence d’un premier album, celui d’un groupe, élevé aux Beatles, qui aurait ouvert les vannes de l’inspiration. Le côté chutes de bandes mises bout à bout ne fait qu’accroître cette sensation vintage. En dix courtes pistes, Why? fait, une nouvelle fois, l’étalage d’un talent déconcertant. Ici, l’enjeu n’est pas la trouvaille, juste la musique sans aucun chichi : un piano central auréolé par une rythmique impeccable, traversée de belles cassures ; un xylophone ; des choeurs aquatiques ; quelques riffs ravageurs, le tout au service de mélodies à couper le souffle portées par un Yoni habité. Certes, l’album est moins immédiat que son prédécesseur, ou plutôt moins catchy, mais, une fois dans l’oreille, il devient vite indispensable. Puisse Why? encore longtemps skier sur ce terrain.
David Vertessen
A lire également, sur Why? :
la chronique de « Alopecia » (2008)
l’interview (2008)
la chronique de « Oaklandazulasylum » (2003)
These Hands
January Twenty Something
Against Me
Even the Good Wood Gone
Into the Shadows of My Embrace
One Rose
On Rose Walk, Insomniac
Berkeley by Hearseback
This Blackest Purse
Eskimo Snow