CHOICE DAINTIES – It’s Turning Red
(Alter K) [site]
Choice Dainties s’est formé en 2004, tirant son identité des disques les plus fumants de PJ Harvey, Sonic Youth ou encore Blonde Redhead. Voisins de style de Hopper (qui a hélas splitté depuis), ils ont bâti leur identité dans ce mélange entre aspirations mélodiques et brutales coulées de lave. Si "It’s Turning Red" est effectivement sorti en 2007, il n’est pas trop tard pour se plonger dans ces 11 titres, peaufinés au fil des nombreux concerts du groupe, et qui témoignent à la fois d’un réel talent et d’une confiance en ses possibilités.
Il y a tout d’abord cette voix, celle de Maud, tantôt mutine, tantôt brutale et désespérée, toujours à la limite. Elle prend aux tripes, apporte une touche d’émotion à l’édifice patiemment construit par le reste du groupe. Il y a ainsi cette rythmique bouillante, qui sait cogner fort mais aussi dangeureusement louvoyer, créant des aspérités dans lesquelles l’auditeur se perd avec délice. Les guitares sont incisives, la basse ondule et la batterie y va fermement : quoi de plus classique ? Peut-être, sauf que le sens de l’à-propos est la marque de fabrique du groupe parisien. "You Were You Were" et "Domino" ouvrent le disque sur une première salve, qui agresse l’auditeur et le relâche presque dans un même mouvement, car tel est l’univers de Choice Dainties, brutal par moments, mais aussi doux et soigné. La pochette du disque semble d’ailleurs illustrer cette identité trouble, tout en collages et superpositions : pas question de case pour le groupe, bien trop doué pour se voir affublé une étiquette qui, de toute façon, aurait été réductrice. Si la première partie du disque (jusqu’à "Mouvement Second") est un parfait échantillon de rock sulfureux, de petites touches de pop se glissent dans les titres, au travers de passages plus calmes ("House on Fire") ou de choeurs ("The Unknown Guitarist"). Puis le disque bascule, en 1 min 11, le temps pour "Mouvement Second" d’annoncer le voile de noirceur qui s’abat sur les titres suivants…
Si "Full" est toujours dans cette veine dure et âpre, avec ces mélodies qui sentent le soufre, et la voix de Maud toujours aussi évocatrice, les autres titres ouvrent d’autres portes. Choice Dainties exprime des aspirations post-rock sur "Swell" et "Bounced", qui oscillent brillamment entre tension et fausse légèreté des arpèges de guitare, et gravitent dans des courants presque expérimentaux. Plus le disque avance, et plus on a l’impression que le groupe a lâché la bride à son inspiration. Pourtant, malgré les variations, les contre-pieds, l’utilisation désormais parcimonieuse de la voix de Maud (uniquement présente sur l’explosif "What We Said and What We Did"), le quatuor retombe toujours sur ses pattes, même quand il se livre aux pires maltraitances sur ses instruments, le temps d’un "What’s Left" tout en distorsions et en larsen. La musique a cela de bien que la notion de péremption lui est totalement étrangère : 2007, 2009, la pertinence et la sombre beauté de "It’s Turning Red" sont toujours d’actualité.
Mickaël Choisi
You Were You Were
Domino
House on Fire
The Unknown Guitarist
Part 5
Mouvement Second (Remake)
Full
Swell
Bounced
What We Said and What We Did
What’s Left