THE BYRDS – Younger Than Yesterday
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Lorsque leur quatrième album est publié en février 1967, The Byrds est encore, en compagnie des Beach Boys, le meilleur groupe de rock américain en activité. Les Doors viennent de sortir le mois précédent leur premier LP, et, malgré un succès conséquent, ne s’installeront durablement dans le paysage musical qu’en fin d’année avec la sortie de "Strange Days", avant de tout écraser à leur passage en juillet 1968 ("Waiting for the Sun" sera numéro 1 de même que le single "Hello I Love You"). Les Jefferson Airplane n’entreront dans les premières places du Billboard que fin mars 1967 et n’obtiendront une stature nationale qu’après leur participation au Monterey Pop Festival trois mois plus tard. Quant à Love et au Velvet Underground, ils n’eurent jamais les faveurs du public de l’époque et il fallu attendre plusieurs années avant que leur qualité artistique soit reconnue ("Forever Changes", publié en novembre, n’atteindra que piteusement la 154e place, "The Velvet Underground & Nico", sorti en même temps que "Surrealistic Pillow", fera encore pire…).
Les Byrds, eux, était une machine tournant jusque-là relativement bien. S’ils ne réussirent jamais à suivre le rythme infernal imposé par les Beatles et les Stones, ils parvenaient régulièrement à hisser quelques singles aux premières places ("Mr Tambourine Man", "Turn Turn Turn") tout en y installant confortablement leurs deux premiers LP pendant plusieurs semaines. La tendance commence à s’inverser en 1966 à la sortie de "Fifth Dimension", leur audience se détournant lentement mais sûrement à mesure que le groupe explorait de nouveaux champs musicaux, d’autant que certaines radios refusaient de diffuser "Eight Miles High"… Dès lors, les disques des Byrds ne connaîtront plus qu’un succès mitigé : "Younger Than Yesterday" restera bloqué à la 24e place, le premier single "So You Want to Be a Rock & Roll Star", à une ironique 29e position, tandis que le second, "Have You Seen Her Face", se plantera carrément… Commercialement, ce quatrième album représente le début de la fin et les Byrds ne s’en relèveront pas. "My Back Pages", sublime reprise du titre de Dylan, sera d’ailleurs le dernier titre des Byrds à entrer dans le top 40. Ils ne prendront jamais le train du Flower Power, bien au contraire, et signeront ainsi leur arrêt de mort, en exagérant quelque peu.
Produit par Gary Usher, sporadique collaborateur des Beach Boys et de la Motown, "Younger Than Yesterday" est probablement le meilleur album des Byrds et également leur plus diversifié, réunissant les multiples facettes du quartette : psychédélisme, pop, folk-rock, country-rock. Certes, l’album précédent, "Fifth Dimension", offrait déjà un panorama des différentes tendances qu’expérimenta et qu’anticipa la troupe de Roger McGuinn, mais ce nouvel effort propose une production plus soignée et, globalement, une qualité d’écriture encore plus élevée, ce qui n’était pas franchement une mince affaire après des titres aussi prodigieux que "Mr Spaceman" ou "Eight Miles High". Pour commencer, le LP contient de quoi mettre n’importe quel amateur de belles choses à genoux, une pépite pop absolue, une de celles permettant aux Byrds de tenir leur rang face aux Beatles et aux Zombies : "Have You Seen Her Face". Seul un vieillard atteint de la maladie d’Alzheimer serait capable d’oublier ces trois minutes de majesté.
Il est intéressant de noter que ce chef-d’oeuvre fut écrit non par McGuinn ou Crosby, mais par le bassiste Chris Hillmann, qui, jusque-là, n’avait composé pour les Byrds absolument aucune chanson. Il s’était contenté sur "5D" d’écrire avec l’ensemble du groupe "Wild Mountain Thyme" et "Captain Soul", alors qu’il est crédité de quatre titres sur ce quatrième LP. Si "Thoughts & Words", dont les couplets en mineurs et les choeurs font écho à "Help!" et "Rubber Soul", n’occupe guère une place importante dans la discographie de la formation, "The Girl With No Name" et "Time Between" anticipent déjà la future trajectoire des Byrds. Non que ces deux chansons soient médiocres, au contraire, mais la patte personnelle de Clarence White y est évidente, particulièrement sur la première, et c’est lui qui, une fois membre à part entière du groupe dès l’année suivante, lui imprimera un virage country de plus en plus évident au préjudice de la folk-pop de McGuinn et Hillmann. Un changement de cap qui provoquera d’incessantes tensions avec le boss éternel des Byrds, Roger McGuinn, jusqu’à ce que, probablement lassé, il dissolve le groupe en 1973 malgré quelques productions de qualité tel "Sweetheart of the Rodeo". Si Hillmann mérite nombre d’éloges, McGuinn et Crosby montèrent également d’un gros cran par rapport à leurs productions précédentes.
Le duo compose ensemble "Renaissance Fair", prouvant encore une fois leur remarquable aptitude à écrire des arrangements pour deux guitares utilisant chacune une technique particulière et diffusant un son différent, marque de fabrique des Byrds depuis leurs débuts. Le titre s’avère d’autant plus original avec la trompette de Hugh Masukela, suivant la basse et se plaquant sur le rythme effréné de Crosby. Plus subtile et désinvolte – et surtout meilleure! – que "What’s Happening" mais formellement similaire, "Everybody’s Been Burned" est une ballade au son jazzy, influencé par John Coltrane, que les Byrds expérimentent depuis plusieurs mois et que l’on retrouvera de manière plus marqué sur l’unique album solo de Crosby, "If I Could Remember My Name". Enfin, il écrit, certes avec Roger, une nouvelle version de "Why", titre auparavant publié en face-b du single "Eight Miles High". Quant à McGuinn, qui ne composera en solo aucun des titres de "Younger than Yesterday", il écrit avec Hillmann une des chansons les plus célèbres du groupe, "So You Want to Be a Rock & Roll Star", pique cinglante adressée à l’industrie du disque et plus particulièrement aux Monkees. Le titre demeure cependant joyeusement réprobateur, plein d’humour, et il s’agit musicalement d’une des plus intéressantes compositions de leur carrière, avec le solo de trompette de Masekela, l’infaillible riff de guitare avec lequel joue incessamment une basse aux multiples altérations et le chant délicieusement sarcastique de McGuinn.
L’album fut réédité en 1996 avec un nouveau mix stereo, un fort intéressant livret et les habituels titres bonus : la ballade de Crosby, "It Happens Each Day", dont l’absence sur le LP est quelque peu incompréhensible, "Lady Friend", magnifique single sorti en 1967 et s’étant lamentablement planté dans les charts, une version instrumentale de la médiocre "Mind Gardens", "Don’t Make Waves", écrite pour le film du même nom avec Tony Curtis et Claudia Cardinale (sorti en France sous le titre débile de "Comment réussir en amour sans se fatiguer"). Indispensable.
Julian Flacelière
So You Want to Be a Rock & Roll Star
Have You Seen Her Face
C.T.A.-102
Renaissance Fair
Time Between
Everybody’s Been Burned
Thoughts & Words
Mind Gardens
My Back Pages
The Girl With no Name
Why
Bonus
It Happens Each Day
Don’t Make Waves
My Back Pages (version alternative)
Mind Gardens (version alternative)
Lady Friend (version single)
Old John Robertson (version single)
Mind Gardens (instrumental)