PANDAMONIUM – The Unreleased Album
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Comme son nom l’indique, ce LP enregistré en 1970 ne fut pas publié à l’époque. Il a fallu attendre trente-quatre ans pour que le label pirate anglais Radioactive Records l’édite à sa manière toujours aussi cavalière, avec une pochette quelque peu repoussante, sans livret ni bonus, évidemment. Pour les collectionneurs fanatiques, Pandamonium, c’est avant tout une poignée de singles sortis par CBS durant les années soixante. Le groupe, dont les débuts se situent autour de 1963, est composé des deux compositeurs Martin Curtis et Bob Ponton, le duo étant fréquemment soutenu par Steve Chapman, plus tard batteur d’Al Stewart, et par Kent Mick Glass. Après avoir signé sur CBS en 1966, la formation connut un succès relativement important, et tout à fait ponctuel, dans le milieu underground avec le single "Season of the Witch", reprise de la chanson de Donovan (la version de Ponton/Curtis sortit curieusement avant la version originale parue sur l’énervant "Sunshine Superman"). Gorgé de fuzz et de sons psychédéliques, le second single, "No Presents for Me", est de l’avis général leur meilleure production officielle. Un autre single suivit, "Chocolate Buster Dam", mais le groupe quitta CBS suite à un désaccord probablement marketing et, en 1969, publia un premier LP chez Liberty sous le nom de Thoughts & Words (référence aux Byrds ?).
Après cette dispensable production, ils enregistrèrent donc l’année suivante cet "Unreleased Album". Avec leurs dons extralucides hautement développés, les voyous de chez Radioactive, dont on entend guère parler depuis qu’ils ont pris le maquis il y a quelques années, ont publié, si le mot convient tout à fait, onze chansons sous le nom de Pandamonium, bien qu’à mon humble avis le duo n’ait eu aucune volonté d’utiliser ce nom de nouveau. Toujours est-il que les sessions de ce qui deviendra "The Unreleased Album" voient passer du beau monde : le guitariste américain Jerry Donahue (ayant participé aux enregistrements des Yardbirds, de Fairport Convention, Roy Orbison, Robert Plant…), Pat Donaldson de Fotheringay, le batteur Gerry Conway, l’immense bluesmen Albert Lee, qui a bossé avec Bo Diddley, Clapton, Jerry Lee Lewis, entre autres, et le bassiste Chas Hodges du futur duo Chas & Dave. On ne s’étonnera pas du son plus que correct de l’album puisque le technicien derrière la console n’est autre que l’ancien partenaire de Joe Boyd, John Wood, l’homme derrière certains disques de Nick Drake, Nico, Pink Floyd, Fairport Convention ou The Incredible String Band. Shel Talmy (oui, le type de Decca qui a enregistré "You Really Got Me" des Kinks et "My Generation" des Who) est d’ailleurs crédité comme co-producteur… sans plus d’informations malheureusement.
Malgré un back band impressionnant et un duo Wood/Talmy particulièrement professionnel, le disque n’eut pas droit à une quelconque publication. Pour quelle raison mystérieuse ? Il faudrait demander à Ponton et Curtis, mais il y a fort à parier que le disque fut écarté parce qu’il ne ressemblait guère au rock en vigueur en 1970 ou, plus prosaïquement, parce que certains titres frôlent de peu le plagiat. Bref, Pandamonium, ce n’est absolument pas du rock lourd, ni même du folk-rock, encore moins de la pop… mais un étrange et parfois boiteux mélange de tout ce qui marchait alors, une espèce de synthèse entre les groupes à succès de la seconde moitié des années 60, Beatles et Stones à part, étrangement… avec lesquels Pandamonium ne rivalise, il faut être honnête, que sur quelques chansons, par exemple la superbe "Sunrise", ballade estivale d’une beauté imparable, basée sur une instrumentation acoustique couplée à une section de cordes à tomber, d’un élégant piano et d’harmonies vocales à la qualité fort honnête. L’album s’ouvre sur un "I Know You" parfaitement mis sur rails par Conway et la guitare psyché de Donahue, rappelant fatalement les premiers Jefferson Airplane. La seconde piste, avec ses chœurs en fin de couplet, et le petit solo de guitare servant de pont, sent à des kilomètres la marmelade pop-progressive des Moody Blues période "In the Threshold of a Dream", les douteux excès cependant mis en sourdine. Il est d’ailleurs étrange de reconnaître une partie de cordes proprette et sautillante dont le son se rapproche énormément de celui des Last Shadow Puppets.
Dans le genre recyclage habile et talentueux, notons également la très byrdsienne "I Am What I Am", ou "Baby I’ll Be Yours", charmant croisement entre une chanson d’amour de l’écurie Stax et le Fairport Convention de "What Did We Do on Our Holiday". Globalement "The Unreleased Album" s’avère ouvertement bâtard et dans l’ensemble tout juste passable, et si les chansons citées plus haut sont recommandées, on ne peut guère dire la même chose de l’autre moitié de l’album, franchement peu inspirée, finalement plutôt banale malgré une instrumentation quasiment irréprochable et quelques moments lumineux (le refrain de "Send Out a Smile", le chant à la Ray Davies de "Sit & Watch the Sunshine"…). Pour acharnés et curieux seulement.
Julian Flacelière
I Know You
It’s a Long Time
I Am What I Am
Sunrise
If I Could Be With You
Sit & Watch the Sunshine
Baby I’ll Be Yours
Send Out a Smile
Who Knows What We May Find
Waiting for the Summer
I Believe In You