DANIEL JOHNSTON – Welcome To My World – Yip/Jump Music – Continued Story/Hi, How Are You (rééditions)
(Eternal Yip Eye Music / PIAS) [site] – acheter ces disques
Il voulait juste qu’elle l’aime. Pour elle, il a bâti des cathédrales lo-fi. Elle s’appelle Laurie Allen, et il en était fou. Il l’est encore. Daniel Johnston, l’homme sans qui Beck, The Eels, Yo La Tengo, Sparklehorse, les Flaming Lips ou Nirvana n’auraient pas fait la même carrière. Celui qui a fait comprendre à une génération de musiciens en herbe qu’il n’était besoin de disposer d’un studio professionnel ni d’avoir une grande maîtrise instrumentale pour sortir des disques, pour peu qu’on mette un peu de cœur dans son travail. Et du cœur, Daniel en a. Du chagrin aussi. Coincé au quotidien dans une famille évangéliste un poil old school, Daniel Johnston se réfugie dans les Comics et la musique des Beatles pour trouver l’évasion. Il dessine, compose des morceaux sur ces super héros qui deviendront une des composantes de son univers ("Casper the Friendly Ghost") et sur les difficultés relationnelles avec ses parents qui voient dans son travail l’œuvre de la paresse et du Malin. Déjà des étrangetés de comportement apparaissent, tout comme des symboles dans son travail graphique : les yeux arrachés, la figure récurrente d’un personnage au crâne creux (représentation de lui-même sentant sa raison s’envoler).
Puis l’on apprend que Daniel est maniaco-dépressif. C’est la manière pour lui de vivre avec cette maladie et cet environnement qui va l’amener à composer. Avec comme clé de compréhension, Laurie Allen. Qu’il rencontra à peine sorti de l’adolescence et qui sera l’objet d’un amour platonique absolu, dans tous les sens du terme. Il composera pour elle des centaines de chansons, dont certaines comptent parmi les plus grandes love songs de l’histoire de la pop. Aujourd’hui sort en Europe une compilation regroupant les morceaux les plus accessibles de Daniel Johnston (mais dont les titres ne dépassent pas l’année 1991), ainsi que les rééditions des albums "Yip/Jump Music", "Continued Story" et "Hi, How Are You", sortis au début des années 80 en cassettes faites à la maison, et dont les pochettes étaient dessinées par le musicien lui-même (le style graphique de Johnston est une sorte de transition entre l’art naïf et l’art brut, à la fois candide mais parfois totalement effrayant). A l’écoute de ces différents albums, la vérité se fait jour : Derrière la qualité sonore souvent approximative, les instrumentations rudimentaires, ce sont de vraies chansons qui sommeillent. Nombre de musiciens se revendiquent de Johnston, l’élevant comme parrain de la lo-fi, mais ne voit dans sa démarche que l’aspect purement technique, pour oublier un petit détail : la composition. Tout au long de ces titres, ce sont d’authentiques pop-songs qui se déroulent : "Some Things Last a Long Time", sorte de matrice du "Deserter’s Songs" de Mercury Rev, le grand "Walking The Cow", le terrassant "Speeding Motorcycle", ou encore le sommet inattaquable "Living Life", et son introduction qui serre la gorge par sa vérité crue : "Hold me like a mother would / Like I always knew that somebody should / though tomorrow don’t look that good". Le titre de la compilation, "Welcome to My World", qui peut paraître banal, est pourtant tout à fait exacte : on rentre dans un univers autarcique, avec ses références, ses thématiques, ses sons, ses obsessions. En cela, l’écoute des disques de Daniel Johnston peut ne pas laisser indemne par le malaise qui transparait parfois, et la très grande vérité des sentiments décrits. Si "Hi, How Are You" reste le plus connu des premiers enregistrements de Daniel Johnston- notamment du fait de sa fameuse pochette représentant cette grenouille aux yeux étranges, et de la présence du fameux "Walking the Cow" en son sein- c’est "Yip/Jump Music" qui constitue le premier chef d’œuvre de Johnston, grâce à son homogénéité sonore (eh oui) et la présence d’immenses chansons : "Speeding Motorcycle", "Chord Organ Blues", "The Beatles", ou encore le fabuleux "Museum of Love".
Les rééditions des albums-cassettes est particulièrement luxueuse, avec notes de pochettes, artwork de l’artiste, et remasterisation (terme assez inattendu vu la qualité initiale des enregistrements !). Assez paradoxalement, c’est le premier album studio de Daniel Johnston, "Continued Story", qui est le plus inégal du lot. Mais l’ensemble est, pour le music addict, absolument indispensable, tout comme l’est l’album de Daniel paru chez Atlantic en 1994, "Fun", produit par Paul Leary des Butthole Surfers, qui constitue incontestablement son grand classique. Que l’on soit fan de pop, de funk ou de hip-hop, "True Love Will Find You in the End" vous tirera toujours les larmes. Une expérience artistique trop unique pour la louper.
Frédéric Antona
A lire également, sur Daniel Johnston :
la chronique de « The late great Daniel Johnston – Discovered Covered » (2004)
la chronique de « Rejected unknown » (2000)
la chronique de « Fun » (1998)
Welcome to My World – acheter ce disque
Peek A Boo
Casper The Friendly Ghost
Some Things Last A Long Time
Walking The Cow
I’m Nervous
Man Obsessed
Don’t Let The Sun Go Down On Your Grievances
Never Before Never Again
The Sun Shines Down On Me
Chord Organ Blues
Living Life
Speeding Motorcycle
True Love Will Find You In The End
Never Relaxed
Sorry Entertainer
Ain’t No Woman Gonna Make A George Jones Outta Me
Lennon Song
Devil Town
I Had A Dream
Laurie
Story Of An Artist
Yip/Jump Music – acheter ce disque
Chord Organ Blues
The Beatles
Sorry Entertainer
Speeding Motorcycle
Casper The Friendly Ghost
Don’t Let The Sun Go Down On Your Grievances
Danny Don’t Rapp
Sweetheart
King Kong
The Creature / Third Chair
I Live For Love
Almost Got Hit By A Truck
Worried Shoes
Dead Lover’s Twisted Heart
Rocket Ship
God
Love Defined (the Bible)
Museum Of Love
Rarely
I Remember Painfully
Hi How are You / Continued Story – acheter ce disque
It’s Over
Ain’t No Woman Gonna Make a George Jones Outta Me
Dead Dog Laughing in the Cloud The
Funeral Home
Her Blues
Running Water Revisited
I Saw Her Standing There
Casper
Ghost of Our Love
Fly Eye
Etiquette
Walk in the Wind A
Dem Blues
Girls
Poor You
Big Business Monkey
Walking the Cow
I Picture Myself With a Guitar
Despair Came Knocking
I Am a Baby (In My Universe)
Nervous Love
I’ll Never Marry
Get Yourself Together
Running Water
Desperate Man Blues
Hey Joe
She Called Pest Patrol
Keep Punching Joe
No More Pushing Joe Around