AUSTIN LACE, LE YÉTI – Concert Au Centre Wallonie-Bruxelles, Jeudi 23 Octobre, Paris
La pop belge indépendante deviendrait-elle une histoire de famille ? Des liens subtils se tissent en tout cas au fur et à mesure qu’émergent de nouveaux groupes et de nouvelles têtes, et lorsqu’on tente de remonter les tours et détours de cette fratrie, un nom revient régulièrement : Melon Galia. Ces "Brussels Pop Dead Heroes" n’ont beau avoir sorti qu’un seul disque au début des années 2000, leur sève continue de couler dans les veines des groupes pop du pays : Aurélie Muller tissant un fil rouge entre les groupes en "o" du label Matamore (V.O., Raymondo, Soy un Caballo), Samir Barris jonglant entre une carrière solo et d’innombrables collaborations (XX, Ici Baba, Brain Snob or Sir,…), Ludovic Bouteligier œuvrant auprès de V.O. et Major Deluxe… Seul Thierry De Brouwer, Pop Hero en chef, restait, jusqu’à il y a peu, particulièrement discret. Perfectionniste en diable, il repousse depuis des mois l’enregistrement des premières chansons du Yéti, son projet solo, et semble particulièrement ému lorsqu’il les présente pour la première fois en France, lors d’un concert organisé par le Centre Wallonie-Bruxelles.
Le Yéti
La salle a beau ne pas déborder de monde, l’accueil fait aux quatre musiciens sur scène est sincère, le public étant sans doute en partie formé de fans de la première heure. D’une voix plus éraillée que par le passé, De Brouwer enchaîne des titres à la tristesse feutrée ("Pas dans les détails", "Je maudis ma nuit") couplés à d’autres plus légers ("Léger, léger", "Claudia"). On reste sans voix face à "Là d’où je viens" et surtout "À l’autre bout du monde" où l’on retrouve toute la verve et le talent mélodique du chanteur, dans des chansons certes plus tristes, voire tempétueuses, mais toujours d’une finesse étincelante. On est heureux de voir Le Yéti prêt à perpétuer sa propre légende.
Austin Lace
La complicité qui unit Thierry De Brouwer et Fabrice Dutry, bassiste du Yéti et surtout tête chantante d’Austin Lace, se confirme pleinement lors de la deuxième partie du concert. Venus présenter leur troisième et nouvel album "The Motherman", les membres d’Austin Lace comptent en effet désormais Thierry comme guitariste officiel, et à l’écoute du résultat, on frôle le coup de génie. Sur disque comme sur scène, Austin Lace avance à pas de géant en efficacité et en plaisir partagé. Du méga-tube "Katz" au plus doux "The Coral", Fabrice Dutry et sa bande semblent s’en donner à cœur joie et propulsent, sans faiblir, les étoiles filantes de leur power pop ultra mélodique, dignes du meilleur Weezer. En guise de contre-point visuel sont projetées sur un drap blanc des ombres chinoises expressionnistes et ludiques. Lorsque soudain, de derrière la toile, apparaît The Motherman, monstre hybride au masque mexicain. La créature fantomatique tentera, à plusieurs reprises, d’attirer l’attention des membres du groupe et du public, avant de finalement se résigner, seule et malheureuse, et de disparaître à nouveau dans sa cache. Cette apparition digne des tableaux de James Ensor laissera au chewing-gum pop d’Austin Lace un goût amer, remettant en question l’excès de joie proposé jusqu’ici. Le concert terminé, on sortira d’ailleurs de la salle avec une impression étrange, confronté à la fois au passé et au présent, à l’euphorie et à la mélancolie, au morbide et à l’intensément lumineux.
Christophe Patris
Photos par Julien Bourgeois
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