JOSEPH ARTHUR & THE LONELY ASTRONAUTS – Temporary People
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En 1996, avant même la sortie de son premier album, « Big City Secrets », Joseph Arthur était porteur d’immenses espoirs : repéré par Lou Reed et Peter Gabriel (et signé sur Real World, le label de ce dernier), éblouissant en live où il se produisait seul avec une guitare acoustique et, pionnier du genre, l’une de ces pédales électroniques qui permet de faire des boucles, et montrant des qualités d’écriture (mélodiques mais aussi littéraires) acérées. Précurseur d’un renouveau du folk, il en était à coup sûr une fine lame. Et seuls ses albums, malheureusement trop produits, mettaient un bémol à ce portrait idéal.
Douze ans plus tard et quelque peu atteint par un syndrome Elliot Murphy, le toujours très prolifique Joseph Arthur revient pour un neuvième album, « Temporary People ». Et le ton de ce nouveau disque est pour le moins surprenant : on attendait un sniper et on voit débarquer l’artillerie lourde avec chœurs féminins expansifs, solos de guitares et chansons aux airs enjoués. Ce n’est en effet plus seulement Joseph Arthur mais bien Joseph Arthur & The Lonely Astronauts qui jouent sur ce disque et cela s’entend ; le groupe est allé piocher dans un répertoire que l’on pensait tombé en désuétude : le rock potache des années 1970, dont Ringo Starr est le plus digne représentant. La règle du jeu était simple : on fait venir une bonne dizaine de potes, si possible avec une ou deux chansons chacun, on s’enferme dans un studio avec quelques tonneaux d’alcool ou quelques adjuvants aux pouvoirs similaires, et on enregistre tous ensemble dans une ambiance détendue (voire une franche rigolade). Comme les copains ont parfois du talent (Ringo, par exemple, comptait parmi ses amis des ex-Beatles), une chanson de-ci de-là parvenait à compenser l’aspect décousu de la chose.
Mais Joseph Arthur signe (ou co-signe) l’ensemble des titres de cet album et ses talents de songwriter lui permettent d’éviter les principaux écueils évoqués ci-dessus. Sur « Temporary People », même sous ce vernis de rock débridé qui va aussi fouiner du côté des Stones, les chansons sont étonnamment cohérentes et s’installent durablement dans la tête ; on finit par fredonner les chœurs de « Heart’s a Soldier » ou « Turn You On », par s’extasier de la pertinence d’une partie d’orgue sur « Drive » ou par s’étonner que ces chansons débonnaires aient des paroles aussi mordantes ou aillent se crasher sur un mur bruitiste. En somme, Joseph Arthur a jeté le manuel de savoir-vivre du parfait songwriter ; il ne pense plus qu’à une seule chose : s’amuser (quitte à parfois mettre les pieds sur la table). Nadine de Rothschild ne va pas être contente. Nous, si.
Christophe Dufeu
A lire également sur Joseph Arthur :
la chronique de « Vacancy » (2000)
la chronique de « Junkyard Hearts I, II, III et IV » (2002)
la chronique de « Redemption’s son » (2002)
participation au festival Côtes du Rock (2002)
Temporary People
Faith
Say Goodbye
Dead Savior
Look Into the Sky
Sunrise Dolls
A Dream Is Longer Than the Night
Heart’s a Soldier
Turn You On
Winter Blades
Drive
Good Friend