RODOLPHE BURGER – No Sport
(Capitol / EMI) [site] – acheter ce disque
Un disque avec une actrice, une implication politique, des essais expérimentaux à base de langues ou de musiques méconnues, Rodolphe Burger, depuis quelques années déjà, semble incontournable, furetant à gauche et à droite (à gauche surtout) dans les trous de souris que la musique, entre autres, a le bon goût de ménager.
Et pourtant, ce "No Sport" n’est, à proprement parler, que le troisième album solo de l’ancien leader de Kat Onoma, après les huit titres de "Cheval Mouvement" (1993) et "Meteor Show" (1998). Un album, moins électronique que son prédécesseur, mais mêlant toutes sortes d’influences : le rock comme ciment de base, mais aussi le blues et le jazz, les musiques orientales et, tout de même, l’électronique. Le tout mené par une voix qui parle plus qu’elle ne chante des textes écrits par ou avec ses proches (les écrivains Pierre Alféri et Olivier Cadiot, Fred Poulet). Et des textes qui déstabilisent assez souvent, qui naviguent de la blague potache ("Lover Dose" ou "J’erre" qui décline les jeux de mots "entre les cons, j’erre", …) au surréalisme le plus gracieux ("Un Nid ?"). Alors on a souvent du mal à comprendre : parfois ça agace (mais de quoi parle "Je tourne" avec son slogan Toyota qui tombe comme un cheveu sur la soupe ? De bagnole ?), parfois (souvent) on se laisse embarquer. Et puis on soupçonne Rodolphe Burger de ne pas tout à fait détester agacer quelquefois…
Ceci étant dit, on peut aussi recenser les qualités d’un album qui n’en manque pas : le premier single "Elle est pas belle, ma chérie ?" avec ses chœurs féminins un peu faciles est à double détente : la chanson d’amour en vient à parler d’armes à feux… Ensuite, c’est un "Rattlesnake" inquiétant qui réussit, à force d’oscillations, à nous hypnotiser. "Vicky" la Viking, sous ses faux airs de pop-song jazzy, a, elle aussi, pas mal de charme. Sur "Arabécédaire", Burger donne une leçon d’arabe en compagnie de Rachid Taha : intéressant de contourner les clichés en changeant de point de vue, en opposant l’érudition aux idées toutes faites. Sur "Ensemble", l’attaque est frontale : sur fond de riffs électriques, Burger détourne le slogan de campagne de l’ancien candidat de l’UMP et conteste vigoureusement ses méthodes démagogiques ("on n’a pas plumé les pigeons, ensemble"). "Marie" donne lieu à un beau blues bilingue en compagnie de James Blood Ulmer, et "Blue Skies", reprise aérienne d’un classique d’Hollywood de 1926, est tout aussi sympathique. Après "Avec toi", dont la candeur fait mouche, l’album s’achève sur "Un Nid ?", petit OVNI au format pop, qui charme avec ses percussions très marquées et ses paroles surprenantes.
Surprenant, voire déstabilisant, Rodolphe Burger, poursuit donc son chemin tortueux et, malgré les ronces qui nous égratignent parfois, on n’a guère envie de lui lâcher la main : pas de sport, peut-être, mais quelle envie d’explorer !
Christophe Dufeu
Avance
Lover Dose
Elle est pas belle ma chérie ?
Rattlesnake
Vicky
Je tourne
Arabécédaire
Ensemble
J’erre
Marie
Blue Skies
Ski-doo
Avec toi
Un Nid ?