JIL CAPLAN – Derrière La Porte
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Le manque, la douleur et l’humilité. Tout l’album de Jil Caplan baigne dans cette ambiance de lendemain sans joie, de perte de l’être aimé et de la solitude qui vient vous frapper. Ne reste alors qu’un parfum qui flotte dans l’air, et les souvenirs, lointains mais pourtant si vivaces. Cela fait plus de vingt ans que le nom de Jil Caplan flotte dans les limbes de la chanson française. Je me souviens bien sûr, dans les débuts de mon adolescence, de "Tout c’qui nous sépare" et du fameux "Nathalie Wood", signés tous deux Caplan/Alansky. Jay Alansky, l’homme derrière le projet A Reminiscent Drive, auteur des "Yeux crevés" en 2003, qui signa nombre de hits dans les années 80 et 90, notamment pour Lio, et composa trois albums avec Jil, avant que cette dernière ne continue sa route avec ses vieux amis JP Nataf et Jean-Christophe Urbain, membres des Innocents. Il reprend donc avec Jil Caplan une collaboration interrompue il y a dix ans. Il va ainsi habiller les paroles de Jil de mélodies minimalistes, composées d’un simple piano, un xylophone et une guitare électrique qui survient, de temps à autre. Le ton de l’album est donné dès le refrain du premier morceau : "On est des toutes petites choses / égarées au cœur de la nuit / perdus sans la chaleur du lit". Jil dresse un bilan, et revient sur l’impossibilité de comprendre totalement l’autre, de saisir les moments de vide et de vague à l’âme qui parfois l’étreignent ("J’aime… je déteste"). Les tempos électro reviennent sur "A la fenêtre" mais il n’y a rien de dansant ou d’entrainant ici, l’électronique souligne encore davantage la solitude, l’attente. Le mode mineur des mélodies renforce le malaise de cet album qui sonne comme une lente chute vers le néant. "Un âne sur la route" est à ce titre le morceau le plus sombre, avec des paroles stigmatisant le sentiment d’abandon absolu survenu à la fin d’une relation amoureuse. Une composition à rapprocher du "Inutile et hors d’usage" de Daniel Darc. On a souvent comparé Jil à Tracey Thorn, chanteuse d’Everything but the Girl, la remarque est particulièrement juste pour "Derrière la porte", cette grande tristesse qui sait se parer d’une jolie pudeur.
Le titre le plus fort de l’album reste "Finalement", ballade ternaire désespérée, ornée de cuivres discrets, et d’une guitare qui se fait par instants dissonante. La voix de Jil Caplan se fait plus embrumée, entourée d’un voile. Le poids de cette expérience amoureuse qui vous détruit et vous amène à remettre en question le sens même de votre existence et de votre dépendance aux autres. Un album aussi personnel que pouvaient l’être les "Terres mouillées" de Graziella de Michèle.
Frédéric Antona
Des toutes petites choses
J’aime… je déteste
A la fenêtre
Un Âne sur la route
Sous le sable
Chez moi
Finalement
L’Heure sombre
On n’entre plus chez toi
Jamais là où il faudrait
Pour l’azur du monde