Mercredi 15 août
Palais du Grand Large
(G.S.) Il pleut. Il vente. Les concerts prévus sur la plage ce premier jour de Route du Rock sont donc déplacés dans la très chouette Rotonde du Palais du Grand Large, pardon, du Palais Sony-Ericsson. En guise d’amuse-gueule, c’est, ô surprise, le chef Thierry Marx qui vient présenter en compagnie d’un collègue quelques techniques de cuisine. Des techniques un peu spéciales, puisqu’il s’agit de nous mitonner quiche lorraine liquide ou meringue cuite à l’azote liquide. On n’a pas goûté mais ça avait l’air bon, et pour une fois, on peut parler de mise en bouche dans un article de POPnews sans qu’il s’agisse d’une métaphore éculée.
Côté musique, C’est Yann Tambour qui ouvre les débats avec son singulier projet Thee, Stranded Horse. Le public de festivaliers est assis bien sagement comme il est de coutume dans cette salle et ne perd pas une miette des prouesses du garçon à la kora, instrument traditionnel africain qu’il s’est approprié pour un résultat fascinant et très touchant, à la fois apaisé et hanté.
Lire la chronique de « Churning Strides »
Lire l’interview de Yann Tambour sur POPnews (avril)
Lui succède la Suédoise Anna Ternheim, au piano et à la guitare, nimbée dans le contre-jour de la Rotonde. Sa musique est très jolie, un peu sage voire un peu lisse sur disque, mais le charme et la maladresse de ses introductions (en français, s’il vous plaît) et la sobriété de son interprétation confèrent à l’instant un exquis sentiment d’intimité, un petit et rare moment d’apesanteur, qu’on doit malheureusement bien vite abréger pour rejoindre le fort et ne surtout pas louper Elvis Perkins.
Lire l’interview d’Anna Ternheim sur POPnews (juin)
(V.L.D.) Comme je suis arrivé trop tard pour le concert de Robert Gomez, le festival commence pour moi avec Woven Hand, également au Palais. Depuis leur concert au Divan du monde, Eugene Edwards a troqué sa barrette contre un bandeau apache et ici, il pourra difficilement se plaindre d’un son défectueux vu la qualité sonore de la salle. L’ex-chanteur de 16 Horsepower fascine vite son public avec sa voix caverneuse, déformée à l’occasion par un vocoder, posée avec prestance sur des sonorités puissantes et des rythmiques indo-américaines. Woven Hand offre un set (trop) court avec des chansons plus directes et moins grandiloquentes que sur album. Le public, conquis, adresse au groupe une chaleureuse standing ovation, Edwards reviendra donc sur scène pour nous interpréter un ancien titre de 16 Horsepower, l’intense « Black Soul Choir ».
Fort de Saint-Père
C’est la révélation du printemps, Elvis Perkins, qui ouvre le festival au fort de Saint-Père. Affublé d’un encombrant qualificatif de « fils de », l’Américain égrène les meilleurs titres de son excellent album « Ash Wednesday » (dont le génial « When You Were Sleeping »). Accompagné par son groupe Elvis Perkins in Dearland, Elvis commence timidement, prenant confiance au fur et à mesure du set, pour finalement se lâcher sur la fin. Il a su facilement adapter son folk poétique au format festival. Un futur grand.
Lire l’interview d’Elvis Perkins sur POPnews (août)
Herman Düne succède à l’Américain sous les rafales. Autant l’avouer, bien que j’aie longtemps été un grand fan des Franco-Suédois, les dernier concerts du combo m’ont lassé, et leur dernier album « Giant » ne m’a pas non plus enthousiasmé. La perte d’André handicape sérieusement le groupe, qui est tombé dans une routine assez assommante. De plus, l’attitude scénique a l’air travaillée, le recul sympathique a été remplacé par une fausse humilité teintée de snobisme (le mauvais français de David-Ivar laisse perplexe) et les blagues entre les morceaux tombent à plat. Herman Düne n’a quand bien même pas tout perdu de ses qualités et leur folk indolent réussit la plupart du temps à me faire dodeliner de la tête. En résumé, le refrain le plus connu du groupe (« I’m Not on Top ») est ce soir terriblement approprié.
Lire l’interview des Herman Düne sur POPnews (août)
(V.A.) The National n’a pas vraiment de chance avec La Route du Rock. Il y a deux ans, ils avaient été programmés en clôture d’une des journées du festival, vers 2 heures du matin, devant un public plus tellement en état d’apprécier les subtilités de leurs ballades vénéneuses. Cette fois-ci, l’horaire était plus clément (22 heures), mais le temps, pas trop – même si Matt déclara que le vent et la pluie constituaient le cadre idéal pour leur musique. Pour ne rien arranger, le son n’était pas franchement formidable, les voix ayant tendance à se noyer dans les basses. Dommage car les New-Yorkais, même s’ils ont perdu un peu de leur fougue, sont toujours aussi impressionnants et captivants sur scène (notamment quand Matt se laisse porter par la foule sur « Mr. November »). On a hâte de les revoir au sec.
Lire la dernière interview de The National sur POPnews (mai)
Pour Art Brut, en revanche, ça pourra attendre. Non que je ne les apprécie pas, mais, par un concours de circonstances, je les avais déjà vus trois fois en deux mois. Je savais donc quelles blagues allait sortir Eddie Argos, et à quel moment, un peu comme si je voyais le même one-man show pour la quatrième fois. Quant à la musique, vu ses limites (technique rudimentaire, répétition des mêmes accords), mieux vaut la consommer à petites doses. La prochaine fois que je verrai Art Brut, je préférerais simplement qu’ils ne jouent pas ; boire des coups avec Eddie Argos, c’est sûrement aussi drôle, et au moins on n’a pas besoin de bouchons d’oreilles.
Lire l’interview d’Art Brut sur POPnews (juillet)
(V.L.D.) The Go! Team est le groupe « mix » par excellence (sexe, origine ethnique, background musical, etc.), mélangeant sans trop réfléchir et avec une réussite insolente brit-pop, hip hop, et musiques de films 70’s. La chanteuse Ninja au jeu de jambes explosif est une attraction scénique à elle seule. Elle scande, rappe crânement sur des mélodies survitaminées mais finalement moins explosives qu’on aurait pu l’espérer à l’écoute de leur album (sorti il y a déjà un bon bout de temps, le second arrive à la rentrée). Le groupe joue sur trop de samples et bien qu’étant au nombre de six, on regrette qu’il n’y ait pas plus de membres pour donner encore plus de chaleur et de profondeur au set (ils n’ont qu’a en piquer à I’m from Barcelona). Autre critique, l’impression que la bande de Ian Parton est d’abord là en promo : en témoignent les messages de Ninja, un rien mercantiles, martelés entre chaque morceau…
(V.A.) La première journée du festival s’achève avec les très hype Justice. Visuellement, c’est impeccable : la croix lumineuse encastrée dans le pupitre, les murs d’amplis Marshall (de faux amplis !) de chaque côté – si Xavier de Rosnay et Gaspard Augé étaient des jumeaux, la symétrie serait quasi parfaite. Pour ce qui est de la musique, qu’on nous permette de n’en rien penser.