VERSARI – Jour Après Jour
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Versari est un peu à Jean-Charles Versari ce que Miossec est (ou fut) à Christophe Miossec : un projet résolument solo sous couvert de groupe, mais dans lequel les musiciens ne se contentent pas de jouer les utilités. D’ailleurs, le batteur Cyril Bilbeaud (ex-Sloy) et le bassiste et violoncelliste Jason Glasser (alias Fruitkey et ex-Clem Snide) apparaissent sur la pochette – très "collection printemps-été De Fursac" -, et la lecture des crédits nous révèle l’implication de Joseph d’Anvers et du guitariste libre Jean-François Pauvros. Mais au fait, ce Jean-Charles Versari, qui est-ce ? L’ancien chanteur des Hurleurs, groupe d’abord englué dans le marigot "néoréaliste" français, qui tenta ensuite une courageuse envolée vers d’autres altitudes, entre blues convulsif et new wave racée. Un coup d’œil sur les reprises qu’ils enregistrèrent alors suffit à se convaincre de leur singularité et de leur ouverture d’esprit : Curtis Mayfield (en compagnie de Stuart Staples), Neil Young, This Heat, "India Song"… Aujourd’hui, Versari s’attaque à Tuxedomoon (sur un tribute album) et à "Atmosphere" de Joy Division, dont il livre une version presque aussi majestueuse que l’original en clôture de son premier album, "Jour après jour". Evidemment, pour prétendre se mesurer à de tels totems, mieux vaut avoir quelques cartouches. Versari, qu’il s’agisse du chanteur ou du groupe, n’en manque pas. Il y a d’abord cette voix de velours moiré, grave, profonde, mais qui réussit toujours à échapper à l’emphase qui la guette. Le reste est à la hauteur : des guitares félines, parfois saturées d’électricité mauvaise ("Dans un rêve/Dans un cauchemar"), une trompette placide, des cordes grand style (Ian Caple, producteur des premiers Tindersticks, est aux manettes), des claviers vintage (Rhodes, Hammond), un theremin discret, ou encore la voix claire de Céline Bary, qui vient apporter un peu de douceur dans ce monde d’hommes (le duo "Les Silhouettes", dans l’esprit de "L’Orage" avec Murat sur le dernier Holden). De la très belle ouvrage, oscillant entre efficacité presque pop ("And Then She Said"), sombres dérives ("Les Lignes blanches") et même sauvagerie rock’n’roll ("Blunt"), qui met en valeur les textes de JCV – à 99 % en français, bien que certains titres soient bizarrement en anglais.
Ils disent les affres du quotidien – dans une langue qui n’est pas sans rappeler parfois Dominique A -, mais aussi ses joies simples. En ouverture, "Shine" décrit la nuit et ses lumières contemplées depuis le hublot d’un avion : une hauteur de vue dont Versari ne se départit jamais tout au long des cinquante minutes de l’album. "Jour après jour" est bien le disque de chanteur français le plus classe depuis le dernier Christophe. Ou le dernier Bashung. Ou les derniers signes de vie de Philippe Pascal (Marquis de Sade, Marc Seberg…). On vous laisse choisir et en attendant, on le remet illico sur la platine.
Vincent Arquillière
Shine
And Then She Said
Les Silhouettes
Dans un rêve/Dans un cauchemar
D’autres lendemains
Les Amours quotidiens
Le Retour
Les Lignes blanches
Blunt
Sweet
Atmosphere