SJ the Wordburglar, c’est la frange la plus classique du hip hop d’Halifax, celle qui n’a pas oublié que le rap, à la base, c’est juste un type qui la ramène avec ses jeux de mots sur un beat qui tape fort, éventuellement souligné par des scratches. « You know how I feel with rap with no wordplay: it sucks », dit sur « The WB » celui qui porte en son nom même le principe de l’acrobatie verbale. Et sur « Buttafly », il s’en prend à ceux qui ne partageraient pas ce point de vue. Wordburglar, c’est clair, c’est l’amuseur public numéro un, celui qui a « more lines than cokeheads playing Tetris », pour citer cet extrait représentatif. Il est là pour divertir et pour faire rire, quitte à donner, souvent, dans la blague carambar et dans l’humour à deux balles, comme sur la petite saynète qui ouvre le disque (« oh non docteur, j’ai attrapé un burglaritis »).
Son rôle de bouffon clairement assumé, le rappeur traverse tous les passages obligés du rap. L’ego-trip, tout le temps (« Rhymes With I’m », pour l’exercice le plus représentatif). L’échange et l’affrontement verbal (avec More Or Les sur « Spit fresh »). Quelques autres featurings bien sentis avec des gens très bien comme Pigeon John (« Breeze ») et Bending Mouth (« Fun is Number One »). Le posse cut quand, sur les grandes cordes de « Eight Rappers & The Mason », Wordburglar invite tous ses copains, ces éternels seconds couteaux de la scène d’Halifax à la Jorun Bombay ou Jesse Dangerously. Le nécessaire hommage aux artistes de son entourage sur le très funky « Scova Notians ». Et puis, autre obligation quand on fait du rap de comique, il y a aussi un titre cochon, « Let’s Get Romantical ».
Après, c’est toujours la même chose avec ce genre de personnes. C’est tout sauf l’ambition de faire de la jolie musique qui les motive, et les beats en pâtissent. Malheureusement, SJ the Worburglar n’a pas toujours la force de faire oublier leur indigence et de les challenger. Mais sur les quelques pistes où la production se montre plus relevée, ça le fait. Témoins le « Buttafly » déjà cité et la trompette apaisée du seul morceau où le rappeur enlève son masque de clown, « Cream of Wheat », deux titres produits par Jorun Bombay. Le disque termine plutôt bien avec le bien nommé « End Smartly ». Et puis surtout, il y a ce trépidant « The Route » au beat de western où notre boute-en-train raconte sa vie périlleuse de livreur de journaux. C’est peu, c’est trop maigre, mais c’est tout de même suffisant pour se pencher quelques temps sur ce second album du Canadien.