STUART A. STAPLES – Leaving Songs
(Beggars / Naïve) – acheter ce disque
A s’en tenir à quelques signes, on peut assez bien imaginer la carrière solo de Stuart Staples s’envoler – avec un rien de classicisme zen – sur les traces d’un Leonard Cohen. Tiens, prenons le deuxième morceau de "Leaving Songs", "The Path", tout y est ou presque : des graves instables, une instrumentation élégante (guitare, harmonium, cuivres), des choeurs féminins vaporeux. On croit y percevoir la sagesse désabusée du maître canadien. Quelque chose d’une suave maîtrise se dégage, comme la décantation achevée d’un arôme puisé dans le bain autrement plus épicé des Tindersticks. Car voilà que depuis "Lucky Dog Recordings 03 / 04", son premier essai solo paru l’an passé, la direction suivie par le leader du groupe s’affiche clairement : simplicité, chaleur et liberté de chansons assez directes, qui n’en rajoutent pas dans le lyrisme ou la sophistication des arrangements. Les options de ce nouvel album ne sont pas franchement différentes, mais elles portent aussi la marque des amitiés fidèles (Terry Edwards aux cuivres, Thomas Belhom à la batterie comme sur le précédent, ou le retour de la vieille complice, Gina Foster) et des nouvelles rencontres quelque part dans le merveilleux monde de l’americana.
Enregistré pour partie dans le studio de Mark Nevers (Lambchop), le nouvel album taquine en effet un peu de pedal-steel guitar, embarque à son bord Maria McKee pour une ballade aux accents country ("This Road is Long"), et poursuit le road-movie avec la touche de désenchantement qui caractérise le chanteur ("One More Time", "Already Gone"). Mais l’album n’a rien à voir avec un hommage rendu à d’autres musiques (voir le supposé bain révélateur auquel s’est essayé Chan Marsall avec la soul sur "The Greatest"). Les éléments américains (discrets et nuancés) s’intègrent au contraire parfaitement à l’univers du chanteur et servent ses qualités de mélodiste. Ces dernières éclatent de manière surprenante aussi bien dans la plus grande nudité ("Dance with an Old Man", avec rien qu’une voix et quelques notes de guitare blues) que dans les arrangements romantiques d’un duo classique (le retour réussi de Lhasa sur "That Leaving Feeling"). Si la fin de l’album maintient ce niveau d’exigence, elle laisse aussi mesurer que Staples a encore plus d’un tour dans son sac et que la retraite du sage n’est pas encore pour lui : ce tremblé des notes vocales, ces pointes d’inquiétude dans les cuivres ou les cordes sont là pour rassurer. Cet homme-là a encore la fièvre, et peut-être pour longtemps.
David
Old Friends no. 1
The Path
Which Way the Wind
This Road is Long
One More Time
Dance with an Old Man
That Leaving Feeling
Already Gone
This Old Town
Pulling into the Sea