JENS LEKMAN, RICHARD SWIFT, BILL WELLS – Mains D’Œuvres, Saint Ouen, 18 février 2006
C’est avec une pointe d’égoïsme et une grosse dose d’amertume que j’avais accueilli la nouvelle annoncée par Jens Lekman lui-même sur son blog l’an passé : il en avait marre, arrêtait la musique définitivement et vendait ses guitares. Jamais donc je ne verrai le troubadour suédois sur scène ? Mais ça y est, on est en 2006, une année pour les optimistes, après 2005, cette année nase, et la première bonne nouvelle de l’année, c’est que Jens Lekman est de retour, motivé et inspiré comme jamais. Et en plus, il passe par la France. Et en plus, c’est dans le cadre d’une soirée consacrée à son label, Secretly Canadian, avec Richard Swift. Joie.
Samedi soir, à Mains d’Œuvres, c’est le vétéran Bill Wells qui ouvre la soirée, accompagné de Jens Lekman et son groupe de filles (cuivres et batterie). Stupeur parmi les retardataires arrivant à la fin du concert, qui croient que le Suédois vient déjà d’en terminer. Mais non, ouf, on les rassure, tout va bien. C’est ensuite le tour de Richard Swift. L’Américain n’est pour l’instant l’auteur que de deux albums sous son nom, « The Novelist » et « Walking Without Effort », compilés l’an passé par Secretly Canadian. Deux albums de pop intimiste et nostalgique, enregistrés à la maison ou presque.
Comme le garçon est loin d’écouter uniquement Randy Newman et Van Dyke Parks, on pouvait se douter – espérer ? – que ses concerts seraient un peu plus énergiques. Et bien oui, et au-delà de nos espérances même, puisque la performance du Californien est des plus habitées, pleine de vibrations soul, avec en particulier un excellent et impressionnant bassiste barbu, Elijah Thomson. De quoi faire oublier les comparaisons un peu restrictives à Ed Harcourt ou Rufus Wainwright dont il est l’objet. Après une introduction seul au piano pour le fiévreux « The Novelist », Richard mélange avec bonheur anciens et nouveaux titres très prometteurs. Le son est un peu nasillard, le concert trop court – constante de la soirée – mais la riche actualité discographique à venir de Swift – au moins un album et un EP dans l’année – promet d’autres réjouissances à très court terme.
Le héros de la soirée ne paie pas de mine avec son look de garçon sage (tee-shirt blanc décoré de la pochette du dernier single de ses compatriotes et amis de the Embassy et veste mi-longue). C’est pourtant un entertainer aguerri qui monte sur scène accompagné de son très charmant groupe et de Bill Wells, au piano électrique, et annonce qu’il va commencer par un hommage à Moondog, le très adapté aux circonstances « Paris » (ok, « Saint Ouen » aurait été mieux…). La formule instrumentale – cuivres et bonne humeur – fait merveille, surtout sur des titres comme « You are the Light » ou « A Sweet Summer Night on Hammer’s Hill », mais les titres plus intimistes, comme « The Cold Swedish Winter », ne sont pas en reste. Jens rayonne, nous met à l’aise par quelques anecdotes comme l’explication du morceau « Do You Remember the Riot » ou le pourquoi de ses tee-shirts promotionnels dépourvus de son nom et seulement orné d’un gros « 2006 ». Pendant ces interludes unplugged, avec sa petite mèche sur le front et son cou tendu en avant, il ressemble subitement à un chanteur folk galvanisant une assemblée pastorale : oui, il y a aussi du Pete Seger en Jens Lekman ! Et puis il y a « Black Cab », son « There is a Light That Never Goes Out » à lui, d’ores et déjà un classique, tout comme le savoureux « A Pocketfull of Money ». Là encore, le concert est trop court, et Jens annonce qu’il n’a pas trop envie de faire de rappel, pour ne pas risquer de ternir une soirée qui fut parfaite en la prolongeant artificiellement mais que par contre, après s’être désaltéré, il se tiendra à notre disposition pour nous jouer une petite chanson rien que pour nous dans la salle du restaurant de Mains d’Oeuvres. Finalement, respect du voisinage oblige, le public – et plus particulièrement les Suédoises qui fêtent leur anniversaire – n’aura droit qu’à un petit « Happy Birthday Lisa ».
Qu’importe, le public est aux anges et se précipite vers le stand pour acheter son tee-shirt « 2006 ». 2006, l’année de Jens Lekman ? C’est bien parti pour.