PHANTOM BUFFALO – Shishimumu
(Rough Trade / Pias) [site] – acheter ce disque
On se demande vraiment comment un disque tel que Shishimumu peut avoir attendu trois ans pour traverser l’Atlantique, puis la Manche. La musique n’est plus ce qu’elle était, ma bonne dame… Ou plutôt si, justement, parce que de musique il est question ici, bien planquée derrière une distribution indigente, un site foutraque (mais marrant), et un dilettantisme de bon aloi. Indéniablement pop, l’album évoque un faisceau d’influences assez variées, grosso modo des Kinks à Sebadoh, sans toutefois crouler sous les références, justement parce que celles-ci s’étalent sur quatre décennies, et qu’il en retient les éléments les plus enthousiasmants : alternance de gimmicks accrocheurs et de ballades amples et lyriques, constructions couplets/refrains ponctuées de petits ponts que ne renierait pas Ronaldinho, un petit riff de-ci de-là, un solo guitare déstructuré, un break de batterie… Bon, ok, je vous vois venir, vous pensez que Phantom Buffalo est un groupe de plus dans un monde de pop, qu’il utilise des recettes efficaces mais éprouvées et qu’il compose des chansons plutôt courtes et bien ficelées, qui se laissent écouter. Que nenni ! D’abord parce que les morceaux de Shishimumu ne sont pas forcément courts et qu’ils se perdent parfois dans un bruitisme à l’opposé de la fraîcheur qui leur sert de base, ce qui brouille un peu les pistes mais leur réussit finalement plutôt bien. Et puis surtout il y a un sens de la mélodie magnifique, servi par la voix délicate, assez féminine, de Jonathan Balzano-Brookes (qui évoque régulièrement les belles heures de Belle and Sebastian), à la fois lyrique et étonnamment accrocheuse. Dans ces conditions, qu’importe la production parfois approximative ou la construction alambiquée de certains morceaux (« Wilamena » – trois morceaux en un) – on pardonnerait autant à Pavement, dont la dynamique est d’ailleurs proche… Après deux écoutes on est déjà familier des « A Hilly Town » ou « Distracting Salamander », catchy au possible, et on se prend à rêver de chanter « Anywhere With Oxygen », ou le magnifique et triste « The Missing Parachute », dans un stade comble.
Bref, treize bonnes raisons d’être optimiste. Lyrique, lumineux, enthousiasmant et évitant toute nostalgie malgré les références explicites (aux Byrds notamment), Phantom Buffalo est à ranger du côté des La’s dans sa discothèque personnelle, catégorie PPPP (petites perles purement pop). Mais qu’est-ce que le monde attend pour écouter Shishimumu ?