THE NATIONAL – Alligator
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D’après ma copine, le problème de The National c’est qu’ils n’ont pas les chaussures qu’il faudrait. Il se trimbalent en chaussures confortables et pépères quand leur musique exprime tout le contraire. Cette remarque est pertinente et évocatrice. Quand on ne trouve rien d’autre à redire au sujet d’un groupe que de plates remarques au sujet de sa garde-robe, ca doit vouloir dire que pour le reste, ce qui compte vraiment, c’est-à-dire la musique, on n’est pas loin de la perfection. Et avec leur troisième album, The National en est diablement près. Non pas que l’album soit évident. Les premiers rapports sont même rugueux. Difficile de tenir la longueur tant on a l’impression de se glisser sans invitation dans un endroit où l’on n’a pas sa place. Le groupe a décidé de rompre avec la beauté discrète de "Sad Songs for Dirty Lovers" tout en en conservant malgré tout les éléments de base, sans céder à la facilité. Au premier abord, la batterie cogne, les guitares scient, Matt grogne, le disque est lourd, sombre étouffant. Puis au fil des écoutes, les détails apparaissent, les arpèges delicats s’écoulent lentement entre les coups sourds du batteur, le violon et le piano s’immiscent et allègent les compositions, Matt grogne toujours, hurle même parfois, mais sa douleur se fait tendre. La grosse découverte pour moi sur "Alligator" fut celle de l’importance de la batterie qui est la véritable âme du disque. C’est la folie déconstructrice de Bryan Devendorf qui forme et déforme les chansons. De l’enflammé "Abel" au déchirant "Baby, we’ll be Fine" c’est la batterie qui fixe le cap mouvant, et quand la mélodie meurt de sa belle mort, c’est la batterie encore qui la ressuscite, lui insuffle le souffle de vie nécessaire. Malgré cela, les National n’ont pas oublié que l’intensité du chant et les mélodies équilibristes sont essentielles à leur art. L’ambiance du disque est donc épaisse, sombre comme un confessionnal, mélancolique et touchante sans jamais tomber dans le pathos. La sobriété des sentiments, une sorte de pudeur planent sur ce disque. Là où "Sad Songs for Dirty Lovers" s’ouvrait au monde, "Alligator" suggère plus qu’il ne dit. Matt est un chanteur autiste perdu dans un univers de regrets que les musiciens essayent de délivrer en douze chansons poignantes et simples. Puis arrive la folie expiatrice de "Mister November" et enfin Matt est libre, l’auditeur est comblé et j’ai trouvé mon disque de l’année. Tout va bien, The National est un groupe presque parfait, à part pour les chaussures.
Gildas
A lire également, à propos de the National :
interview (2007)
chronique de "Boxer" (2007)
interview (2005)
chronique de "Sad Songs for Dirty Lovers" (2003)
interview (2003)
Secret Meeting
Karen
Lit up
Looking for Astronauts
Daughters of the Soho Riots
Baby, we’ll be Fine
Friend of Mine
Val Jester
All the Wine
Abel
The Geese of Beverly Road
City Middle
Mr. November