SIGUR RÓS – Takk
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Il va falloir s’habituer à ne pouvoir régler facilement leur compte aux productions du groupe islandais : après "Ágaetis Byrjun", l’album de la consécration mondiale, aussi magique pour les uns que pénible pour les autres, le suivant "( )" avait fait office de parenthèse plus ou moins désenchantée et soporifique, dans laquelle le déroulement uniforme des chansons le disputait à la joliesse des formes. Il a fallu au groupe toutes sortes d’embardées stylistiques et de projets incongrus (la musique d’un spectacle de Merce Cunningham, l’ambitieuse co-composition symphonique d’Odin’s Raven Magic – à quand le disque ?) pour relancer une dynamique de composition nouvelle, et voir si l’inspiration était toujours là. Le résultat, sous l’espèce de ce quatrième album "Takk" ("merci" en islandais), est à la croisée de toutes ces expériences. Il prolonge un peu le sortilège d’"Ágaetis Byrjun" en misant sur des compositions au déroulé progressif, jouant sur l’accord des aigus du chanteur et des guitares grondantes, sur des effets de reliefs accidentés, des successions de montée en puissance et d’accalmie soudaine ; il mise aussi sur la grâce de percussions mélodiques, dans l’ensemble remarquablement utilisées, rappel de la conception du fameux marimba de pierre pour "Odin’s Raven Magic", qui semble ici porter enfin les fruits attendus ("Glósóli" ou "Sé Lest", ce dernier charmant aussi par une double fin délicate, fanfare puis frissonnement de cordes) ; il ajoute de-ci de-là quelques effets électroniques discrets, dispose des climats délicats pour mieux les bouleverser par des effets symphoniques ("Hoppípola") ou électriques ("Með Blóðnasir"). La voix de Jon (parfois démultipliée ou soulignée par un chœur) s’est déliée, à l’aise aussi bien dans les vocalises les plus hautes, que dans les jeux animaliers (hululement, miaulement, etc.) ou le passage de voix de tête en voix de gorge. L’inspiration est revenue, évidente notamment dans la variété des climats traversés et des astuces pour déjouer la linéarité des propositions. Le groupe pèche encore parfois par grandiloquence, accumulant dans le même morceau la rythmique martiale, les stridences des guitares et la saturation vocale, croyant compenser par la puissance ses quelques baisses d’inspiration, et prolonge un peu trop la traversée musicale à notre goût. Cela détone d’autant plus dans un ensemble qui donne par ailleurs le sentiment qu’il est au meilleur de ses capacités. Mais, merci quand même.
David
Takk
Glósóli
Hoppípola
Með Blóðnasir
Saeglópur
Mílanó
Sé Lest
Gong
Andvari
Svo Hljótt
Heysátan