FRANTIC – Dress Code
(Suave / Abeille) – acheter ce disque
C’est Nick Rhodes, clavier de Duran Duran, qui a, paraît-il, choisi Frantic comme première partie de DD en juin dernier à Paris. Depuis son travail de producteur sur le dernier (très bon) Dandy Warhols, on savait qu’il avait plutôt bon goût. Ça se confirme, ici, une fois encore.
Je dois pourtant admettre qu’au début, en écoutant plusieurs fois l’album et en lisant le très arrogant dossier de presse, scribouillé sans doute par quelques super-pros du marketing culturel appliqué à la non-culture musicale absolue, se voyant dans l’obligation d’attirer le plus de chalands possibles (le mince dossier évoque en deux pages tout ce que l’on peut citer pour faire frétiller le branché, de Pulp à Bowie-période-berlinoise, en passant par Andy Warhol ou Oscar Wilde voire Roxy Music ou Elli et Jacno, et j’en oublie – name-dropping furieux et foireux à tous les étages comme pour doper une certaine crédibilité rock en défaut, visiblement), j’ai trouvé l’album imbitable, ruiné par les tonnes de gimmicks éculés de la pop synthétique des eighties et des textes comme on en écrivait il y a au moins 15 ans (n’oublions pas que le premier livre de Bret Easton Ellis – référence très intéressante et plus qu’explicite du disque – date de 1985).
La première question est évidemment : à quoi bon un disque si complaisamment ancré dans un passé musical (que certains souhaiteraient) révolu ? La seconde question est : qu’est-ce qu’on attend d’un disque en 2005 ?
Frantic a une réponse particulière et, vu la teneur du disque, plutôt bien envoyée : 1. La pop est, avant tout, un plaisir simple, régressif et hédoniste, branché sur un inconscient musical qu’il est bon de réactiver si on veut toucher au sublime pop (tel plan de guitare funky sur "Golden boy" faisant explicitement référence aux plans gratte du "Fashion" de Bowie [- hop, plaisir], tel plan de clavier sur "King Money" faisant immédiatement penser à la programmation synthé du "Sweet Dreams" d’Eurythmics [- hop, plaisir], tel artéfact rythmique sur le break du tube "Star bizarre" renvoyant explicitement à un passage rythmique du "Blue Monday" de New Order [- hop, plaisir], etc. ; ce jeu de pistes hallucinant est le premier grand plaisir du disque qui parle (forcément) à tous les fans de pop) 2. La pop est de l’ "entertainment" absolu et la beauté musicale, une somme d’accidents. On écoute, on danse, on ne se prend plus la tête, on n’oublie pas l’auto-ironie pour autant (le romantisme forcené et pas dupe – on est pas lecteur de Bret Easton Ellis pour rien – de certains textes est là pour le prouver), et surtout on évacue toute tentation de classification (il n’y a qu’à compter les hits en devenir sur cet album pour s’en assurer, de même compter le nombre de mélodies qui restent, littéralement, scotchées à la figure pour s’apercevoir que de ce côté-là c’est parfaitement réussi et parfaitement jouissif : le tubissime "I Was a Lover", le Pet Shop Boysien "Golden boy" ou encore – seul titre en français, duo avec la chanteuse de Nouvelle vague Daniella D’Ambrosio – le titre qu’Alain Chamfort n’a jamais réussit à produire : le sublime "Dans tes bras") 3. Les années 80 n’ont pas fini de révéler tous leurs mystères et il serait bon d’y déterrer encore quelques cadavres (depuis quelques années on assiste à un revival féroce des quelques grandes figures stylistiques typiques des années post-punk/new-wave en les greffant sur une vision moderne et moderniste de la pop – synthé en apesanteur, ligne de basse froide et dansante, hédonisme revendiqué, mèche échevelée, guitare simple et funky, etc.).
C’est tout ce travail sur les émotions les plus immédiates et simples ou encore les plus immédiatement enfouies sous des dizaines de couches de bon goût dictatorial – pour moi, une dizaine d’année de fréquentation des groupes post-rock et expérimentaux – qui fait la force tranquille de ce disque (comme un long travail de sape). Mais on pourrait dire aussi, que, même les émotions les plus profondément ensevelies, étant ce qu’elles sont, ne convaincront jamais un fan hardcore de Joanna Newsom qui n’aurait pas "Rio" ou "Please" ou "Dare" dans sa discothèque. Il ne faut pas être trop naïf.
Ce disque est donc de la pop-music en boîte, c’est à dire un truc un peu honteux (mais fiévreux) qui fera sans doute fuir les grandes personnes raisonnables que vous êtes peut-être et qui fera désespérer vos amis fans des Inrocks circa 1991, mais qui est, au fond, tellement bon et délectable. Et puis si vous voulez vraiment (vainement) vous acheter une bonne conscience, vous pouvez toujours écouter l’album en regardant un épisode de Nip/Tuck (pour "Botoxx" ou "Dress code"), ça vous décrispera.
Sylvain Courtoux
I was a lover
Golden boy (radio edit)
Dress code
Botoxx
Star bizarre
King money
Revenge
2 hard 4 u
I wanna know you
Love songs never die
Dans tes bras
Rainy days in me
Golden boy (album version)