Discuter avec Lou Barlow autour d’un verre de vin… Voilà qui relevait du fantasme quelques heures encore avant cette interview. Pourtant ce n’est pas avec une icône du rock indé, ni avec un génie du folk que la rencontre a lieu. Un homme comme vous et moi en fait (si, si !), plutôt porté aux doutes et aux incertitudes, à une certaine amertume même, et non à un orgueil pourtant légitime. Non, Lou Barlow n’est pas (seulement) un mythe. C’est ce que nous ne savions pas encore avant de lancer timidement la première question…
A l’écoute de vos chansons, et peut-être spécialement du dernier disque, on a vraiment cette impression qu’écrire des mélodies doit être quelque chose de très simple pour vous…
Mmmhhh… Non, ce n’est pas si simple. Certaines des chansons sur ce disque m’ont demandé 5 ans. Et … Non ce n’est pas si simple. (Silence un peu embarrassé)
Disons que d’habitude sur un disque, on a une ou deux chansons avec une mélodie vraiment accrocheuse, sur « Emoh », c’est plutôt 7 ou 8. Et comme par ailleurs, vous sortez tellement de disques…
Ah, c’est plutôt une bonne chose alors. Mais, comme je vous ai dit, certaines de ces chansons ne sont vraiment pas nouvelles. Je les ai dans ma tête depuis pas mal de temps. J’attendais le bon moment pour les enregistrer. C’est vrai que les mélodies viennent facilement, mais les paroles… J’y travaille beaucoup, ça prend beaucoup de temps. Si elles ne conviennent pas, je peux attendre des années, jusqu’à ce que je puisse m’en souvenir. A partir du moment où je m’en souviens, ça veut dire que les paroles fonctionnent. Et si je peux retenir la mélodie sans l’avoir enregistrée, je sais aussi que ça veut dire que c’est bon. Ce sont mes critères pour enregistrer.
Est-ce que vous avez déjà eu des problèmes avec vos amis à cause des paroles justement ? Parce que ce que vous écrivez est parfois extrêmement personnel. Est-ce qu’il vous est arrivé de regretter d’avoir écrit et chanté certaines choses ?
Oui. Oui, oui… Il y a une chanson en particulier sur le dernier disque (« Royalty ») qui m’a causé quelques ennuis avec un ami, qui m’avait beaucoup déçu… et que j’ai déçu aussi. Quand le disque est sorti, il savait que cette chanson était à son sujet.
Est-ce que vous n’avez pas essayé d’arranger pour que ce ne soit pas si évident ?
Non, pas vraiment… A vrai dire, la plupart des chansons que j’écris sont sur moi-même, ou sur moi et ma femme, on est ensemble depuis tellement longtemps maintenant, elle attend ce genre de choses.
Ou sur vos chats ?
(Rires) Oui. Sur ma famille en général, disons. Disons qu’avec ma femme il n’y a pas de problème au sujet des paroles. La musique est ce qui nous a connecté tous les deux, et le fait que j’écrive des paroles très personnelles est quelque chose qui l’attirait. Donc, je ne peux pas arrêter maintenant. Ça lui est égal. Mais parfois j’ai écrit des chansons qui en effet… J’ai écrit un certain nombre de chansons sur Jay Mascis après Dinosaur Jr mais je savais qu’il n’écouterait jamais aucun de mes disques, donc je me sentais très libre d’écrire ce genre de choses. Ça n’avait aucune importance. Mais plus tard, j’ai réalisé que beaucoup de chansons que j’écrivais pouvaient toucher mon entourage. Mes amis se sentaient concernés même si elles n’avaient rien à voir avec eux. Et ça a causé beaucoup de problèmes. Je me suis donc gardé d’écrire ce genre de paroles pendant un bon moment, mais comme je vous l’ai dit, sur le dernier disque il y a cette chanson et… il a deviné ! (Rires) Ça l’a énormément énervé et j’ai dû lui dire que personne ne saurait jamais que c’était de lui qu’il s’agissait. Et que de toute façon « J’ai le droit de faire ça parce que tu es un connard ! » (Rires). Oui… ce n’est pas quelqu’un de bien. Donc je ne me sentais pas si embarrassé d’écrire ce genre de textes… (Rires)
Beaucoup de gens ont noté le fait que le son de « Emoh » était plus « propre » que ceux des précédents Sentridoh et certains journalistes ont dit que c’était le disque de la maturité. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce terme, et je me demandais si le son du dernier album était différent parce que vous en aviez assez du son Sentridoh. Ou alors, était-ce une façon de toucher plus de gens ?
L’une des principales raisons c’est que maintenant l’enregistrement digital a tout changé. Maintenant, quand j’enregistre à la maison, c’est nécessairement de façon digitale parce que mon enregistreur cassettes est cassé. En fait ça demande énormément de travail d’entretenir ce genre d’appareil, il faut le nettoyer, etc. Et je suis quelqu’un de très désordonné. C’est en partie pour ça que mes enregistrements précédents sont si bruts. J’essayais de les enregistrer aussi rapidement que possible. Maintenant je travaille de façon similaire, mais parce que c’est digital, ça sonne plus propre. Le matériel est simplement meilleur. Mais j’aime le son condensé des albums Sentridoh. Et d’une certaine façon, il y a quelques chansons sur le nouvel album qui sont plus proches de Sentridoh que bien des choses que j’ai faites ces derniers temps. En tout cas, je n’essayais pas vraiment de toucher plus de gens, non… J’essayais simplement d’enregistrer ces chansons.