MC5 – Aéronef, Lille, 23 Février 2005
Damned, l’affaire est d’importance… Le billet en main, je n’arrivais toujours pas à croire que le nom figurant dessus était bien celui du MC5… Le MotorCity Five, combo proto punk légendaire des sixties originaire de Detroit, ville fondatrice (Motown). Auteur de 3 albums légendaires, à la jonction de l’expérimentation free jazz et du carburateur flingué façon Brownsville Station, la fusion de Little Richard et d’Albert Ayler. Responsables, avec les Flamin’ Groovies (époque 70-71, lorsque Cyril Jordan arborait des boots étoilées et fantastiques, "Teenage Head") et les Stooges, de l’explosion punk de 1977. Un groupe fondateur…
Arrivé dans le hall d’entrée de la salle, je me dirige d’un pas assuré vers la salle de concert lorsque je le vois. Wayne Kramer, guitariste du MC5. Ami de Thunders et de Patti Smith. Une légende, quoi. Je tends timidement mon billet (eh oui, je pourrai écrire des pages sur la "gaucherie" du fan), qu’il me dédicace, sourire aux lèvres, accompagné d’un "you’re welcome" hyper classe. Quelques dédicaces de plus et Kramer rejoint les coulisses. La soirée commence bien.
Premier groupe de la soirée, Kool Kleps, combo d’Orléans. Minimaliste, garage. Un gars, une fille, la quarantaine. Il est à la guitare vintage, elle est au farfisa, rythmant le tout par une grosse caisse et un tambourin glissé sous l’orgue, entre Velvet, White Stripes, et l’homme orchestre. Le couple assure, pas mal de reprises d’esthètes ("Psycho" des Sonics, "Gloria" des Them, occasion pour le guitariste de se lancer dans des imprécations du haut de son ampli – le parfait manuel du punk 66) et des compos classiques mais classes (comme l’excellent "Misfits", que le groupe dédie à "tous les
désaxés à la vue juste"). Un gars dans la salle lance "une reprise de Jacqueline Taïeb !!", ce à quoi je rétorque qu’un morceau de Christine Pilzer serait également le bienvenu. Je suis rassuré, nous sommes entre gens civilisés…
Quelques minutes de battements, le temps pour les roadies de changer le matos, et c’est Fancy qui débarque. Actuellement sous les feux de la rampe, car apparaissant dans la déjà célèbre compilation "le nouveau rock français", le groupe, dont le leader évoque un croisement entre Rob Tyner (pour la coupe de cheveux afro), les Bee Gees (pour la voix suraiguë parfois un brin stressante) et Michel Serrault dans "la cage aux folles" (pour l’attitude générale), a un énorme potentiel scénique. Gros son, show parfaitement rodé, ça passe bien, même si on sent poindre ici et là des références musicales un peu douteuses (Van Halen, brrrrr…), et que le groupe nous inflige une reprise franchement dispensable du "I’m So Excited" des Pointer Sisters, remise au goût du jour par le Tigre. Il ne faut toutefois pas perdre de vue l’élément essentiel : ce morceau est naze !! Le second degré ne justifie pas tout… Quoi qu’il en soit, ces écueils passés, il faut concéder que Fancy déchire véritablement d’un point de vue scénique.
Quelques minutes à discuter avec un type fan des Shangri La’s et de Joe Meek (un type bien, donc), le MC5 (renommé DKT, des initiales des 3 survivants, mais enfin, personne n’est dupe) déboule sur la scène de l’Aéronef. En plus du Kramer déjà évoqué, Michael Davis, le bassiste, est ridicule avec son t-shirt de football américain et à l’air d’avoir au moins 70 ans, tandis que Michael Thompson est quasi invisible derrière ses fûts, une casquette vissée sur la tête. On ne demande pas de chemises à jabots pour tout le monde (quoique Wayne Kramer en arborait de bien belles à l’orée des années 70… O tempora, o mores…), mais il y a tout de même un minimum…
Le groupe démarre et c’est parti. Un rêve éveillé d’une heure trente. Je ne suis pas objectif ?? Non. Mais se recevoir en pleine face "Shakin Street", "Miss X", "Sister Ann", "High School" ou "Call Me Animal" A LA SUITE ne laisse aucune place pour l’objectivité. Les 3 survivants ont eu la bonne idée de s’adjoindre les services de la troublante chanteuse des Bellrays, Lisa Kekaula, qui apporte une dimension soul inattendue et séduisante, comme sur ce magnifique "Let Me Try" lancé en rappel. Handsome Dick Manitoba, chanteur des légendaires Dictators, vient mettre le feu à la salle par ses
imprécations et ses balades en bord de scène, haranguant la foule qui n’en demandait pas tant… Gilby Clarke, enfin, revenu des enfers opiacés des Guns’n’Roses, assure une seconde guitare extrêmement convaincante, maîtrisant à fond les classiques du groupe, et avec une esthétique vraiment classe. Les ombres de Rob Tyner et Fred Smith, absents de cette cérémonie païenne pour cause de grande faucheuse, planent dans la salle. Le groupe leur dédiera "Over & Over", magistral morceau de "High Times" dont la construction influencera beaucoup de monde, des New York Dolls à Black Sabbath.
Aucune surprise dans le tracklisting, le groupe a visé l’efficacité, et n’a pas tenté de reproduire les improvisations bruitistes du premier album, qui représentent pourtant une part de l’originalité du MC5.
Tout au plus, Kramer et Clarke se sont-ils lancés dans un jeu de questions-réponses à la guitare, faisant parler les harmoniques et les distorsions, le temps d’un instant… Pas de nouvelle composition non plus, mais une visite en règle d’un des monuments du rockn’roll dont les morceaux ont contribué à une explosion musicale et les radiations se font encore sentir aujourd’hui partout où se trouvent rage et électricité. Une sorte de symbole pour reprendre les armes. Comme le dirait l’ami Dick Manitoba, "Do you know what time it is ? It’s time to… KICK OUT THE JAMS, MOTHERFUCKER !!! "
On ne saurait mieux dire….
Frédéric Antona