ELEFANT – Sunlight Makes Me Paranoid
(Kemado Records / Discograph)
Fraîchement émergé de la scène new yorkaise, Elefant présente de sérieux atouts. Doté d’un chanteur-leader charismatique (Diego Garcia, au croisement de Johhnny Thunders et Morrissey, avec un soupçon de Marlène Dietrich dans "Shanghaï Express"), ils ont pour eux des références musicales irréprochables. Que peut-on trouver à redire d’un groupe qui revendique, pêle-mêle, les Smiths, Joy Division, les Beach Boys, New Order ou le Velvet comme influences principales ? Signé sur un label indépendant en vogue, ils s’inscrivent dans ce que la presse décrit généralement comme un "retour du rock" (comme s’il était parti un jour…mais c’est un autre débat), amorcé il y a trois ans par le "Is this it" des surestimés Strokes. Alors, avec cet album au titre délicieusement gothico-punk façon cold wave second degré – "Sunlight makes me paranoïd" (qui, bizarrement, rappelle "Never trust a man who, after being a punk, is playing electro" des Wampas-comme quoi, les association d’idées…) – quoi de neuf sous le soleil de Big Apple ?
Mettons au crédit d’Elefant d’avoir réussi à publier un album rempli de hits potentiels. L’ensemble tient debout. Les lignes de basse sont dévastatrices (Peter Hook a décidément une grosse influence sur la formation). La décadence satinée de Diego Garcia réveille en nous de doux souvenirs, toutes ces nuits assis en tailleur devant la hi fi, au cours desquelles les mots de Morrissey entraient en nous pour ne plus jamais en ressortir…Cette voix, même si elle n’est pas encore exploitée autant qu’elle le devrait (mais ce n’est qu’un premier album, après tout), laisse augurer de belles choses. L’ensemble évoque un Cure légèrement décadent, ce qui n’est pas le moindre de leurs mérites. Tout va-t-il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Ce n’est pas si simple…
La juxtaposition de références irréprochables ne donne pas forcément à l’album le statut de classique instantané, encore moins de disque de chevet. Il est logique, lorsqu’on a réfléchi sur la musique depuis l’adolescence, que les influences ressortent maladroitement dès que l’on a l’occasion d’approcher un studio d’enregistrement. La forme est bonne, certes, mais qu’en est-il du fond ? L’album PARLE-t-il à l’auditeur ? Pour ça, il est nécessaire de ressentir la mise en danger, l’investissement physique. Or, ce disque d’Elefant n’en manifeste pas beaucoup. Aucun des titres ne peut être qualifié de chef d’oeuvre brut. Sans rentrer dans la comparaison avec des premiers albums mythiques ayant plus de trente ans (le Velvet, les Doors, Pink Floyd, les Who), le premier album des Libertines était tout de même autrement plus habité. On sentait le sang et les tripes dans les sillons. Espérons donc que nos amis d’Elefant arriveront à tirer leur épingle du jeu, pour ne pas sombrer dans l’erreur du "truc rock hype qui dure 6 mois".
Frédéric Antona
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