THE TREACHEROUS 4 – Point EphÈmËre, Paris, 24/11/04
Les Treacherous Four ne sont pas un vÈritable groupe et leur rapport avec les Treacherous Three ne dÈpasse pas le stade du clin d’oeil. Les quatre lascars regroupÈs, ce soir et sous ce nom, au Point EphÈmËre Ètaient en fait Mike Ladd, Beans, Rob Sonic (de Sonic Sum) et Busdriver, soit l’une des plus belles brochettes d’artistes hip hop indÈ que la France ait pu voir jusqu’ici sur une mÍme affiche.
Passer le premier et mettre en condition un public qui commence tout juste ý prendre ses aises a toujours ÈtÈ une tche ingrate, et, en ce jour, c’est Busdriver qui est de corvÈe. Le seul Californien de la soirÈe entre vite dans le vif du sujet. Il dÈgaine son emceeing de virtuose et rappe ý toute allure. Dans les premiers rangs o se sont pressÈs quelques fans, Áa fonctionne ý peu prËs. Ca bouge, Áa saute, Áa pulse, Áa chauffe. DÈtail Ù combien insolite pour ce genre de concert, on assiste mÍme ý un dÈbut de baston (« incroyable, c’est un concert de NTM ici ? », s’interroge mon voisin, consternÈ), fort heureusement vite calmÈ.
Mais derriËre, Áa ne suit pas vraiment, ce qui semble perturber Busdriver. Le rappeur hÈsite, fait quelques faux dÈpart, ne sait plus trop vers quel chemin orienter sa prestation. Il parvient bien ý donner un peu d’entrain ý la salle le temps du tube « Imaginary Place » (une musique de Bach, forcÈment, c’est plus connu…), mais cela retombe assez vite. Et finalement, il doit se dÈchaÓner sur « Gun Control » et sur une instru de Plaid pour retrouver un brin d’agitation et d’enthousiasme.
Rob Sonic, ses deux quintaux au moins et un comparse noir (Creature de la Atoms Family, vraisemblablement) suivent. Ils apportent avec eux la meilleure arme pour faire bouger une foule pas tout ý fait dÈcoincÈe : un show rap classique qui fonctionne, avec levage de bras et pique anti-Bush (trop tard monsieur, il a gagnÈ le gros mÈchant). Je n’en dirais pas plus car, moyennement fan de Sonic Sum, j’ai passÈ une bonne partie de la prestation ý discuter devant les toilettes. Je sais, ce n’est pas trËs professionnel.
Dans un autre style que Busdriver, mais avec un talent comparable, Beans livre ý son tour un numÈro de rappeur virtuose. Mais l’ancien Antipop Consortium a deux atouts en poche qui font la diffÈrence avec son prÈdÈcesseur californien : un registre nettement plus connu (il faut voir l’accueil favorable reÁu par « Nude Paper ») et une grande assurance. L’homme avance et se meut en terrain conquis. Et de fait, une bonne partie de l’assistance semble venue pour le grand dÈgarni. Pour preuve, la densitÈ de la foule et la moiteur de la salle ý ce moment de la soirÈe.
Le spectacle s’achËve avec Mike Ladd. Sans surprise, le bonhomme ne se contente pas d’un DJ ou d’une machine. Il a amenÈ avec lui un vrai batteur qui tape sur les fts et un multi-instrumentiste qui ressemble ý son petit frËre ou ý un clone ratÈ, le cheveu aussi hirsute mais le corps plus frÍle, avec en sus une barbe et des lunettes. Et dËs le dÈpart, quelque chose cloche. Mike Ladd commence avec « Housewives at Play », le petit tube du dernier album, mais au lieu du timbre de fausset qui donne son petit air funky au titre original, le rappeur ou chanteur (on ne sait trop) prend la grosse voix.
Et cela tout du long. Les intonations multiples du Mike Ladd enregistrÈ sont remplacÈes uniformÈment par une voix bourrue, agrÈmentÈe d’une gestuelle de star ÈculÈe et des facÈties du multi-instrumentiste qui, montÈ un instant sur je ne sais plus quoi, s’improvise guitar hero. Le show entier passe dans cette moulinette, quels que soient le registre et les titres, tirÈs de la carriËre solo de l’artiste ou des Èpisodes Infesticons/Majesticons. En lieu et place du concert de rap dÈviant que nous attendions, nous avons droit ý du rock-ý-papa casse-bonbon. A un moment, mon voisin (un autre) me signale qu’avec ces cheveux frisÈs, ces muscles saillants et ce chant viril, on jurerait le Bruce Springsteen des mauvais moments, celui qui beugle. Bien vu. Mais ý prÈsent, il n’y a plus qu’ý quitter avant terme cette soirÈe trËs contrastÈe.