oOmiaq – Take, Keep, Go
(http://oomiak.oomiaq.free.fr)
Ainsi que son explicite titre le laisse à deviner, "Take, Keep, Go" du musicien-compositeur-illustrateur français qui se cache sous le nom d’oOmiaq, est un disque conçu en 3 parties. Comme "Smile", précisément. Oser un parallèle entre l’un des concepts-albums les plus mythiques de l’Histoire de la pop et le premier jet auto-produit d’un jeune homme originaire des Alpes Maritimes est évidemment hors de propos, ce dernier admettant du reste ne pas être particulièrement perméable à la musique du génie des Beach Boys. Clamons pourtant haut et fort que l’auditeur qui aura la bonne idée de consacrer le temps et l’attention nécessaires à la découverte de ce "Take, Keep, Go" s’exposera à un univers de surprises, de changements de climats et d’atmosphères qui, en tant que tel, n’a rien à envier au grand œuvre wilsonien rescapé dont nous nous entretenons aussi cette semaine. Et qu’une fois que l’objet artisanal et drôlement agencé qui lui tient lieu de packaging sera entre ses mains, il ne pourra s’empêcher de scruter les détails et étranges dessins de pochette avec la même minutie que celle qui, jadis, accompagnait le décorticage obligé des illustres visuels pop 60’s des sieurs Peter Blake ou Frank Holmes.
Tel est le premier prodige de cet album : parvenir, avec bien plus d’ingéniosité que de moyens, à redonner vie et couleurs à l’objet disque. On ne sait par exemple rien de l’origine et du sens de ce nom d’oOmiaq, mais on ne peut qu’être frappé par la façon qu’a son détenteur de l’écrire, de dilater certaines lettres, bref d’insuffler à son allure même une forme singulière d’expressivité et de poésie, à la manière dont les jeunes écoliers apprenant à écrire couchent sur le papier des formes et courbes qui aspirent à ressembler à des mots, mais n’en sont pas tout à fait. De fait, les enfants – ceux du village d’oOmiaq en l’occurrence, invités à participer à l’enregistrement du disque – sont la grande affaire de ce projet. Tour à tour tchatchant avec une verve toute méridionale ("Je compte mes amis sur le plâtre de mon bras cassé"), soliloquant en un freestyle drolatique proche de l’hystérie ("le porteur de limonade") ou encore fomentant une improbable rébellion dans une langue proche du Syldave ("yogUrti"), les gamins de Bézaudun incarnent avec fougue et fantaisie une trame narrative dont on se gardera bien de déflorer le contenu. Et la musique, dans tout ça ? Dense, inclassable, d’humeurs variables mais constamment mélodique, elle marie avec grâce et légèreté sons électroniques vintage, instruments acoustiques, frottements de cailloux sur le sol et chœurs aux intonations quasi-ethniques. Evoquant par instants le fameux "A Wizard, A True Star" de Todd Rundgren ou, plus récemment, le "Camoufleur" de Gastr del Sol, par son enchevêtrement de passages pop et d’autres plus abstraits, elle est l’œuvre d’un amoureux des disques de Robert Wyatt et du "Yoshimi…" des Flaming Lips, qui en a parfaitement assimilé la dimension onirique tout en parvenant à faire autre chose. Les plus beaux moments de cet album ne rappellent ainsi rien de connu, et leur auteur a de surcroît la délicatesse de ne pas oublier (ce) qui les a nourris – à l’image du somptueux "wagon==>mer [françois]", qui rend ouvertement hommage à François de Roubaix. Mais tenter d’en faire ressortir un ou plusieurs moments serait passer à côté de l’essentiel : le périple musical de "Take, Keep, Go" ne saurait réellement s’appréhender autrement que dans le cadre d’une écoute intégrale et continue, de son ouverture "wake Up [pongo]" à un étonnant "tUbe de verre" de clôture, semblant annoncer quelques pistes des prochaines aventures sonores d’oOmiaq. A juger par l’enthousiasme et la créativité dont celui-ci fait d’ores et déjà preuve, on n’ose imaginer qu’elles ne soient pas diablement captivantes.
Julien
taKe
waKe Up [pongo]
onaKa
la barque balsa
dessin
taKe the sUn
le porteur de limonade
vÎLle noUvelle
kEep
je compte mes amis sur le plâtre de mon bras cassé
shine
poUdre de rèsine
carnAval
la mémoire du bois
yogUrti
je…2
constrUire
brille
gO
aventUre toi
wagon==>mer [françois]
ce qu’a vu le pelikAn
le tUbe de verre