DESTROYER – This Night
(Talitres / Chronowax)
Quelques mois seulement après la sortie du deuxième album des New Pornographers, sur lequel il chante trois morceaux de sa plume, revoilà déjà le Canadien Daniel Bejar avec son projet principal, Destroyer. La plupart des musiciens qui jouent sur ce nouvel album – le cinquième déjà, quoique le second seulement à être distribué en France, par le label bordelais Talitres – ne figuraient pas sur le précédent, "Streethawk : a seduction", mais la musique n’a pas beaucoup changé. Rien d’étonnant quand on sait que Destroyer a commencé comme un projet solo, et qu’il en a gardé l’esprit. On retrouve donc ici les obsessions habituelles et très personnelles de Bejar, dont les chansons sonnent comme une version intellectualisée du glam rock, dans la lignée du Bowie early 70’s et de Lou Reed ("Transformer", mais aussi un peu "Berlin"). Le premier titre, éponyme de l’album, annonce le programme : voix ultra maniérée, gros riffs de guitare, breaks qui tuent, grandes glissades de piano, chœurs sans modération, ruptures mélodiques, synthés prog rock et pas loin de six minutes au compteur. Une sacrée pièce montée ; heureusement, la sécheresse analogique du son (moins prononcée que sur l’album précédent, toutefois) et la virtuosité de la construction nous évitent la crise de foie. Par la suite, Bejar met un peu la pédale douce sur l’emphase, mais ne renonce pas à ses ambitions opératiques. Le début du disque montre ainsi toute la gamme de ses talents, avec une belle guitare classique sur le sombre "The Chosen Few", un "Holly Going Lightly" qui rappelle par moments les chansons conquérantes de Grant Lee Buffalo (en français, Destroyer doit se dire "Destrier"…), et au moins un chef-d’œuvre incontestable, "Here Comes the Night" (une grande partie des titres évoquent soit l’obscurité, soit la clarté, mais ne me demandez pas pourquoi : bien qu’imprimées dans le livret cette fois-ci, les paroles sont encore plus impénétrables que d’habitude). Dommage que Bejar ait vu un peu trop grand : il faut s’appeler Tindersticks pour réussir des albums fleuves passionnants du début à la fin, et "This Night", 68 minutes, accuse une certaine baisse de régime à mi-parcours, où se succèdent une poignée de titres nettement moins accrocheurs que les premiers. Bejar se rattrape sur la fin, mais on regrette un peu les trois quarts d’heure impeccables de "Streethawk". Trop alambiqué, tarabiscoté, chantourné ? Peut-être. A l’instar du "Will I Ever Be Inside of You" de Paul Quinn ou du "Mercury" d’American Music Club – références parmi d’autres -, "This Night" semble toujours sur le point de s’écrouler sous le poids de sa propre démesure (qui, paradoxalement, s’exprime à travers une production plutôt "low budget"). Comme un magnifique bâtiment qu’on admirerait de l’extérieur, et dont on pourrait faire cent fois le tour sans jamais en trouver l’entrée. Décidément, le cas Destroyer n’est pas près d’être résolu.
Vincent
This Night
Holly Going Lightly
Here Comes the Night
The Chosen Few
Makin’ Angels
Hey, Snow White
Modern Painters
Crystal Country
Trembling Peacock
I Have Seen a Light
Students Carve Hearts out of Coal
Goddess of Drought
Self Portrait With Thing (Tonight Is Not… )
The Relevant Ballads
The Night Moves