EKKEHARD EHLERS – Politik braucht keinen Feind
(Staubgold / Chronowax)
De la pochette où un jeune homme piercé et affublé d’un T-Shirt représentant les Twins Towers en passant par l’image d’une belle allemande en train de faire un bras d’honneur sans oublier le poster très rock’n roll du livret, rien ne laisserait à penser que l’on tient avec "Politik braucht keinen Feind" un disque de musique improvisée aux ressources insoupçonnées…
En effet, convoquant aussi bien les envolées du "Miserere" d’Henryk Górecki que celle du Arditti String Quartet exécutant les œuvres pour violon de John Cage, Ekkehard Ehlers avec "Woolf Phrase", morceau conçu à l’origine pour un spectacle de danse de William Forsythes, se fend d’un titre d’une beauté crépusculaire prouvant, s’il en était besoin, que la musique "nouvelle" ou "contemporaine" recèle de brillants compositeurs… Assourdissantes harmoniques, nappes de violons encadrant des instruments à vent non identifiés s’entremêlent et se disjoignent sur plus de vingt minutes. Masse sonore compacte et dévastatrice, le final de ce disque rappelle aussi bien la noirceur de "Ghost" de Third Eye Foundation que les inoubliables gradations du "String Quartet No.1" de Gavin Bryars dirigeant l’Orchestre National de Londres.
D’une puissance hors du commun, cet inquiétant océan sonore rejoint les grandes œuvres du répertoire contemporain et fait la nique aux meilleurs morceaux Post Rock. Plus planant qu’un split single entre Godspeed You! Black Emperor et Sigur Rós (si si), ce titre clôture un album étrange où se succèdent une oeuvre pour clarinette basse "Mäaner" et un quintet pour violoncelle "Blind". Les trois premiers titres instaurent un univers souterrain où la clarinette en solo est exploitée dans ses moindres recoins. Rentrant dans des filtres, l’instrument dégage un souffle omniprésent et inquiétant.
Jouant des changements de fréquences et de multiples interférences qu’impliquent tous les sons annexes crées sur les différentes parties de l’instrument, "Mäaner" ne révèle qu’une partie du talent d’Ekkehard Ehlers, talent qui s’exprime plus librement dans "Blind". Plus âpre, mué par de fortes tensions tel le deuxième mouvement, ce quintet travaille au corps. Des recouvrements des violons aux sourds tremblements des graves en passant par les harmoniques trafiquées de part en part, Ekkehard Ehlers utilise toutes les fréquences, composant ainsi un chaos sonore volcanique, une retranscription d’une éruption inattendue.
Phi
Mäander I
Mäander II
Mäander III
Blind I
Blind II
Blind III
Blind IV
Woolf Phrase