MAN – Main Gauche
(Les Disques du Soleil et de l’Acier / Chronowax)
Précédée par un élogieux article dans les Inrockuptibles, la sortie de "Main gauche", successeur d’un premier album éponyme sorti il y a quelques temps déjà, annonçait l’avènement du duo nantais Man. Pourtant au-delà de "l’évidence d’une implacable beauté" pointent quelques doutes. À l’aune d’un XXIème siècle où l’électronique a pris une part prédominante dans le paysage musical, une chose est sûre, c’est qu’Erik Satie, compositeur née en 1866 et exhumé en grandes pompes, a transcendé un nombre important de musiciens, à tel point que l’on se demande s’il ne serait pas en train de faire un come-back d’entre les morts par l’intermédiaire de Bed, Sylvain Chauveau et aujourd’hui du duo Man. La longue intro, pour le moins ostentatoire, de « Yunarthur/part I » ou les quelques notes de piano égrenées dans "Jocker" soutiennent cette hypothèse avec insolence.
Evidemment, il n’est pas sacrilège que d’aller puiser quelques inspirations dans le classique mais on est aussi en droit de se demander s’il s’agit d’un réel talent d’instrumentistes originaux et inspirés pour faire naître l’émotion ou bien un simple trafic, de "tire-les-moi les larmes" façon Yann Tiersen ou Lars Von Trier au cinéma ? En fait, sans autre forme de procès, Man et son "main gauche" stigmatise toute l’ambivalence de la démarche d’une musique instrumentale riche et luxuriante sans pour autant convaincre de la sincérité de cette entreprise qui peut vite ressembler à une caricature du classique, voire, à un "foutage de gueule".
Minimaliste et dépouillée, tout comme pouvait l’être l’œuvre de Satie, la musique de Man s’appuie sur des lignes épurées où les mélodies toujours sur le fil jouent à cache-cache avec les sons alentour. Une musique sensible (sensiblerie ?) où le silence a son mot à dire (seul le titre "Parti" accueille en son sein une voix féminine avec pour être très franc un certain insuccès.) Pour le reste, notes de pianos plaqués, cuivres lancinants et intrigants édifient une musique que l’on pourrait apparenter aux musiques de films pour son avancée par strates successives et sa faculté à évoquer des images. Féline, la basse acoustique retient toute la langueur de leur musique tel sur "Redj" où se côtoie un piano Rhodes du plus bel effet, ou lorsque l’improvisation se mêle de la partie dans « Channel Suite ». Les clarinettes basses se livrent alors une jolie course de fond et prennent le contre-pied des partis pris du début de l’album. Mention spéciale également pour "Belem" ballade tribale où les mélodicas entre folklore et mélancolie peignent une toile émouvante. On retiendra, en outre, le très beau livret de cet album disparate qui, en outre, n’est pas sans soulever quelques questions éthiques et musicales, ce qui, en soi, n’est déjà pas si mal.
Philippe
A 4 mains
17h05
Pom antique
Yunarthur/part I
Mammy Anglaise
Redj
Partir
Channed Suite
Ubcher
Belem