TARWATER- 25 mars, CSW (Centre d’Art Contemporain) – Varsovie
Que Tarwater soit un groupe allemand n’a pas a priori grande importance. Les paroles de leurs morceaux – quand il y en a – sont en anglais « standard » et leur musique doit peu au folklore bavarois, pas plus qu’au redoutable « schlager » (la variétoche teutonne ringarde).
Cette situation géographique est néanmoins un indéniable avantage pour les Polonais, qui ont eu droit le mois dernier à une mini-tournée du duo berlinois. Un traitement peu fréquent, les groupes étrangers, petits ou gros, se contentant généralement d’une date à Varsovie – voire en province, dans une ville moins à l’est comme Poznan ou Wroclaw.
Décidément soucieux de gâter le public local, Tarwater vient même de sortir un disque réservé au marché polonais, « Not the wheel », que je me ferai un plaisir de chroniquer dans ces pages dès que j’aurai pu l’entendre.
A Varsovie, ces efforts ont été récompensés par une salle comble (150-200 personnes ?) et enthousiaste. Pour ne rien gâcher, le groupe polonais « post-rock-free jazz » assurant la première partie, Transylvania, n’était pas mauvais du tout.
Parler du concert de Tarwater demanderait toutefois de quitter les rives journalistiques pour s’aventurer du côté de la sensation, de la pure émotion esthétique. En allant un peu loin, on pourrait même affirmer qu’en ces instants magnifiquement suspendus, se joua le passage de l’hiver au printemps. La musique de Tarwater, en effet, a quelque chose d’à la fois hivernal et vernal, flotte entre le glacis placide du « Atmosphere » de Joy Division et les poussées de sève de l’électro-pop (l’influence de la new wave anglaise est manifeste, notamment dans le chant à la fois mélancolique et désincarné).
Or, ce week-end-là, le premier du printemps pourtant, avait été tout de neige, de vent et de froid. La musique de Tarwater collait parfaitement, sourde, un peu ankylosée. La jouissance par l’oreille se doubla même à mi-parcours d’une contemplation esthétique. Comme toujours lors de concerts dans cette salle, un spectateur finit par ouvrir une fenêtre pour renouveler l’air : se détacha alors sur le fond noir du mur un carré de ciel d’un gris-jaune presque opalescent, zébré de branches recouvertes de neige.
Mais, dans ces entrelacs électroniques aux bouillonnements sous-jacents, dans ce grouillement de samples qui n’en finissent pas d’éclore, se profilait aussi comme l’annonce du printemps, qui ne pouvait plus tarder. Le terme « organique », mis à toutes les sauces depuis quelques temps, serait ici parfaitement approprié : le morceau « A Watersample » – somptueux ce soir-là – ne parle-t-il pas, entre autres, de microplancton ? Le rappel, qui se termina en techno « presque goa » (dixit un ami), tentait même une échappée inattendue vers l’été. Dix jours après, alors que j’écris ces lignes, le soleil brille et la température a dû augmenter de 15 degrés.Je ne crois pas que Tarwater y soit pour grand-chose, mais cela n’enlève rien à la tranquille grandeur de leur musique.
Vincent