FESTIVAL – LA ROUTE DU ROCK 1999
La Route du Rock, 9ème édition, une petite aventure obligée pour la frange inrockuptible tendance lenoiriste d’une certaine jeunesse. Camping, iode et saucisses : tous ensemble, pour une première journée éclectique, quoiqu’un peu électronique : Michel Houellebecq, mR Neveux et consorts, Etienne Charry, Clinic, Arab Strap, Red Snapper, DJ Shadow, Gus Gus et Freestylers au programme.
Vendredi 13 août, rue d’Alésia, Paris XIVème, 9h30
La vie est trompeuse, la vie est cruelle, la vie est injuste. La rumeur colporte que le stationnement est gratuit à Paris en août, et tandis que je m’arrête quelques instants devant le siège social de POPnews afin d’y quérir les bagages de notre secretaire/photographe et de sa compagne, une pervenche sournoise orne mon pare-brise d’un procés verbal peu décoratif. Je n’en tiendrai pas rigueur aux organisateurs, mais voilà un festival qui commence bien mal.
Vendredi 13 août, sur la route, matinée
Le voyage se déroule sans encombre. Notre secretaire/photographe repète mentalement un algorithme compliqué de calcul de profondeur de champ en se gavant de bretzels tandis que sa compagne s’entraîne au stage-diving en sautant de la plage arrière. A Rennes, grosses difficultés pour trouver une crêperie. C’est inévitable dès qu’on s’éloigne un peu de Montparnasse et nous devons nous contenter d’un kebab et de deux paninis. Un peu de musique twee dans l’autoradio facilite cependant notre digestion de ces typiques plats bretons.
Vendredi 13 août, Cancale, 15h00
Digne héritière de Saint Woodstock, matrice de tous les festivals, la Route du Rock se doit d’offrir aux jeunes rebelles de cette fin de siècle héroïsme, aventure et accomplissement de soi.Ainsi peut-on, fougueux et déterminé, planter sa tente dans les douves du fort de Saint-Père, site du festival, dominés par ses majestueuses murailles. Ainsi peut-on s’enivrer de la merveilleuse convivialité et de l’irrépressible sentiment de liberté que procure ce campement de fortune totalement fashionable. Là, miraculeusement, conventions, rites sociaux oppresseurs et contraintes s’effacent et le vrai-soi s’épanouit. Pourtant, l’ambiance familiale et l’épaisseur reconfortantes des matelas de l’auberge de jeunesse de Cancale ont séduit les pleutres que nous sommes.
Sous une ramée, 17h25
Le bar est déjà comble. On m’apprend que le petit monsieur crispé en costume qui parle dans un micro là-bas au loin n’est pas Philippe Jugé, mais un écrivain célèbre. J’aimerais bien que les jeunots qui s’agitent autour de lui avec leurs guitares et leur easy-listening décadent la mette en sourdine pour que je comprenne ce qu’il raconte. Il y a peut-être des lots à gagner. Au bout d’un quart d’heure, je commence à tromper mon ennui en reconnaissant la nuque d’un animateur de radio fameux ou le treillis « jeune » d’un vieux journaliste rock exilé en Angleterre.
Espace Fanzine, 18h00
mR Neveux, Big Ben, DJ Bertrand: rien n’y fait, il est 18h00, il fait beau, on respire et la musique de tous ces gens n’est franchement pas de saison. Il ne fait pas nuit, on n’est pas en boîte et l’eclipse, c’était il y a deux jours. D’ordinaire, je fais des efforts, mais là non, désolé. Du coup, on visite l’espace fanzines, dont certains disposent de bien belles banderoles.
Sous la même ramée que tout à l’heure, 18h30
Etienne Charry, un peu à l’étroit dans cet espace trop petit pour lui : des microchansons marrantes, deux clones rigolos qui le secondent plus ou moins fidèlement, un écran, des projections; bref, un véritable petit show qui nous échappe malheureusement pour cause de scène non adaptée. On frémit toutefois de joie à l’arrivée de Fantomette, toute en pompons et en malice. Oui-Oui, Fantomette : à quand Etienne Charry publié par la Bibliothèque Rose, avec Michel Houellebecq ??
Devant la grande scène, 19h00
Clinic. Du Punk Rock, ou presque. Après s’être trompée d’heure, la programmation se plante de décennie. Voire de siècle. C’est l’heure de manger de toute façon, et Christian Fevret s’achète une barquette de frites.
Un peu plus près, 20h00
Arab Strap. Manifestement, le public n’est pas préparé à ça, à un concert intense, dense, à la beauté et l’élégance contrariée d’un albatros englué dans une nappe de goudron, à un "Afternoon soaps" à pleurer, bref à un excellent concert, même si Arab Strap n’est pas forcément un groupe de festival. On aura tout de même appris à cette occasion que les écrivains célèbres aussi boivent de la bière.
Plus tard,
Une programmation électronique dans un festival s’appelant la Route du Rock, c’est un pari risqué. Red Snapper seront les premiers à nous rassurer, avec leur hip-hop ambient énergique. Une présence scénique, de vrais instruments, une musique relativement élaborée : et si c’était ça le secret ? Après le concert, notre secretaire/photographe a de la buée sur ses lunettes. Un signe qui ne trompe pas.
Toujours plus tard,
Dj Shadow scratche à tout va. Il serait en train de battre le record de cracher de noyau de cerise, ce serait pareil. Le début du concert est donc difficile, puis progressivement, sa musique s’étoffe et on se sent mieux. De là à dire que mettre un DJ sur une scène dans un festival de rock est une idée géniale…
Encore toujours plus tard,
Tête d’affiche de cette soirée à dominante électronique, le collectif islandais Gus Gus, définitivement privé de sa schtroumpfette, délivre un set un peu court en donnant l’impression de tirer sur des morceaux déjà à rallonge mais d’ordinaire tout en fulgurantes progressions ! Frustrant. On pressent un début de décrépitude, mais on fait tout de même plus que prendre son pied, tout comme l’écrivain célèbre, là-bas, près du bar qui vient de rencontrer une groupie à laquelle il signerait bien quelques autographes hautement personnalisés.
Sur le chemin du retour, 2h00
L’entrée sur scène la plus pitoyable du festival sera à mettre à l’actif des Freestylers. Decorum prétentieux à deux balles, rebel attitude : tous les stéréotypes associés au rap, histoire de mieux le torpiller. Ca sautille, ça fait des pirouettes évoquant nos plus belles années smurf, circa Sidney "H-I-P H-O-P", ça rappe d’une grosse voix pour faire peur. N’insistez pas, je préfère encore NTM. Ca vous embête si on va se coucher et si on laisse ceux qui ne sont pas fatigués se défouler ??
(à suivre)
Guillaume