C'est toujours un peu compliqué de se pencher sur le nouvel album d'un chanteur qui a bercé ses années étudiantes et que l'on a suivi avec plus ou moins d'assiduité depuis. Miossec, en 1995, c'était "Boire", une détonation : arrangements acoustiques minimalistes, énergie rageuse et textes très directs avec ses vers rentrés au chausse-pied. Le Brestois a évolué, et c'est très bien comme ça : virage pop avec notamment l'ex-Valentins Jean-Louis Pierot et collaborations diverses dont dernièrement avec Yann Tiersen sur "Finistériens". Il tourne une nouvelle fois une page avec ce "Chansons ordinaires" dont le titre et les morceaux (uniformément intitulés "Chanson...") fleurent bon la provocation.
Et le changement s'entend tout de suite : Miossec revient avec un groupe de rock plutôt inspiré - lui qui, en solo, a toujours fait l'équilibriste entre les mondes de la chanson et du rock franchit enfin le Rubicon ! Guitare/basse/batterie... et chant donc. Quelques claviers aussi. Un son direct, tendu et puissant, hérité des belles heures de la noisy-pop et qui, bonne surprise, se marie bien avec les textes de Christophe Miossec. Car, quinze ans après "Boire", le Breton n'a rien perdu de sa verve : à une "Chanson du bon vieux temps" mi-ironique mi-nostalgique suit une "Chanson protestataire" entre provoc et sketch des Inconnus ("Y'a des gens que j’aime dans le XVIème", "Y'a pas que du bon chez les Bretons"). Ou cette "Chanson sympathique", amusante série de conseils vachards du chanteur à son "ami" ("Ce n’est pas parce que t’as rien à dire / Qu’il faut tenter de l’écrire"). Mais comme toujours, à côté de ses provocations habituelles, Miossec parvient à toucher : même à travers des morceaux très énergiques comme "Chanson d’insomniaque" ; ou dans le très beau (et autobiographique ?) "Chanson pour un homme couvert de femmes" : là, la musique se fait plus feutrée, le ton désabusé et l'on recueille la confession du chanteur. Quoi qu'il en soit, avec "Chansons ordinaires", alternant provocations bien senties et morceaux plus sensibles, Miossec est toujours aussi (im-)pertinent.