WEEN – La Cucaracha
(Chocodogs Records / PIAS) [site] – acheter ce disque
Pourquoi ? Pourquoi est-ce que, eux, ils y arrivent ? Pourquoi est-ce que Ween arrive à mélanger tous les styles, à jouer de tout avec une facilité et une cohérence indécentes ? Oui, Ween ne ressemble à rien… et à personne : Ween ne ressemble même pas à Ween ! Ne cherchez pas de comparaisons, ne tentez pas non plus de situer "La Cucaracha", leur dernier album, dans leur foisonnante discographie. Ween fait partie de ces groupes cultes de l’underground, vénérés par une poignée de fans et dont la gloire éphémère ne les a pas fait dévier d’un pouce de la longue, étroite et sinueuse route de l’intégrité musicale.
"Cucaracha", c’est un cafard, une chanson un peu kitsch, mais aussi un chant révolutionnaire mexicain. Et c’est bien ça Ween : sous de faux airs négligés et légers de groupe aux paroles futiles, se cache un duo bien plus sérieux et profond qu’il n’y paraît. Pour moi, Ween n’a pas de second degré, il est intensément plongé dans une quête quasi sémiotique des éléments constitutifs du rock, accompagné de The Residents, Zappa, The Beatles et autres illuminés et illuminateurs de la musique du diable… Mais revenons-en à "Cucaracha".
Alors, ce dernier album ? Hétéroclite ? Voyez plutôt : styles évoqués dans l’ordre des chansons : instrumental empli de trompettes grisantes, chanson pop, techno flirtant avec Cher (?), ballade, chanson country (à relier à leur magistral "12 Golden Country Greats"), un rock sudiste enlevé, un reggae / dub, une ballade passée au vocoder, un bon rock’n’roll sixties, une chanson pop seventies où des chœurs soul relèvent le tout, ballade au piano avec harpe, chanson expérimentalo-instrumentiste (flûte, tambourin, tamtam…) puis vient l’enchaînement du tamtam vers le délire de l’album dans lequel The Mars Volta rendent hommage à Santana, et où Zappa se réincarne dans la démesure psychédélique, avec reprise du couplet à la Funkadelic, bref, une orgie de dix minutes où l’on a même droit au tir de mitraillettes et cris de femmes du meilleur goût. Et enfin, une chanson soul jazzy un peu gay(e). C’est promis, vous trouverez tout ça sous la surface terne et fade de la pochette (on a connu bien mieux : "Chocolate and Cheese" ?). Ween sort une fois de plus grand gagnant de cet exercice difficile qu’ils affrontent courageusement, toujours créatifs, toujours différents, toujours novateurs. Certes, ce n’est pas forcément leur meilleur album ("The Pod" ? "Quebec" ?), mais peut-on en sortir un tant la carrière de Ween se développe sur une complexe alchimie, un amalgame tendant vers un idéal qui nous échappe, nous pauvres auditeurs mortels ?
Soyez en sûr, en tout cas, ce cafard là, non seulement il vous empêche de l’avoir, mais comme ses petits compatriotes, il est quasiment impossible de s’en débarrasser.
Valaac
A lire également, sur Ween :
la chronique de « Shinola vol. 1 » (2006)
Fiesta
Blue Balloon
Friends
Object
Learnin’to Love
My Own Bare Hands
The Fruit Man
Spirit Walker
Shamemaker
Sweetheart in the Summer
Lullaby
Woman and Man
Your Party