Quelques mois après la sortie du ep « Studio Möllan Sessions« , Vit Päls se fend déjà d’un (presque) long format : soit douze titres mais à peine trente-six minutes. On est presque tenté de voir en Vit Päls une similitude avec les Herman Düne de la grande époque. Stakhanovisme forcené, amour immodéré pour Jonathan Richman et Belle & Sebastian, chansons sincères, origines suédoises même si l’ensemble est nettement plus pop et policé que folk échevelé et rock sale.
Si le premier album de Vit Päls « Nu Var Det I Alla Fall Så » était leur « Jonathan Richman & The Modern Lovers », soit un album foufou, enregistré dans la cuisine avec des copains, tirant dans tous les sens, « Nånstans Ska Man Va » est plus resserré (cf le titre qui peut se traduire plus ou moins comme « On doit être quelque part »). Carl Johan Lundgren a écrit et enregistré des tonnes de chansons d’amour tristes et/ou drôles dans son coin, sélectionné les plus pertinentes puis les a filées à son groupe de copains pour les habiller. Et elles ont besoin de beaux habits cache-misère, parce que ça ne va pas fort chez Calle : il habite loin des lumières de la ville, à Malmö, où il déprime gentiment, préférant les plateaux-repas achetés chez Konsum et mangés devant la télé (la guillerette mais dépressive « Middag framför TV :n ») plutôt que de sortir (la douce amère « Partyn och Bakfylledar »). Il y a aussi des chansons de fuite, telles « Sikk Fukk » (plus ou moins « Sick Fuck »), rappelant l’album solo « Yaya » de David Ivar Herman Düne (« Time of Glory/NYC »). « Je me suis enfui et je ne reviendrai jamais. Ai changé de caleçon dans des toilettes publiques. J’ai traîné chez quelques copains et même dormi sur du parquet. Mais je souffre vraiment », chante-t-il nonchalamment avec un chœur sixties tout à fait charmant. D’ailleurs, plus elles sont tristes, ses chansons, et plus elles sont sympathiques : « Som en skugga bredvid mig » (« comme une ombre près de moi ») convoque en quelques images et couplets l’ombre d’une relation inadéquate passée, entre un voyage fauché à Paris et des tacos végétariens à la tequila dans un éclairage musical digne du dernier Jonathan Richman. Déception partout donc mais un album qui n’est pas pour autant déceptif, comme on dit aux Inrocks : « Köpenhamn » raconte un voyage à Copenhague, un été pour s’amuser. Bien sûr, l’aventure tourne court et il ne s’y passe pas grand chose mais il revient avec les préservatifs achetés au cas où et surtout une chouette chanson rappelant « That Summer Feeling » du sus cité et omniprésent Richman.
Seule éclaircie du disque, « Sommaren är du » (« l’été, c’est toi »), qui fait évidemment penser à « Midsummer night in Hammerhill » de Jens Lekman, dans laquelle les djembés saoûlants remplacent « Regulate » de Warren G. Rassurez-vous, si les paroles sont touchantes, souvent plombantes mais toujours drôles, la musique fait, comme toujours, agréablement passer le tout. Pop cuivrée à la Belle & Sebastian, chœurs enchantés, claviers rigolos (« Hallå Haters », comme une « Electronic Renaissance », ode à la normalité et règlements de compte contre les critiques). Et si Vit Päls avait finalement sorti de sous sa belle fourrure un des plus beaux albums de 2012 ?