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Vampire Weekend – Contra

VAMPIRE WEEKEND – Contra
(XL / Beggars) [site] – acheter ce disque

VAMPIRE WEEKEND - ContraCette chronique sera le récit d’une chronique. Comment chroniquer un disque dont on a dit partout qu’il était bon, dont on sait soi-même par expérience et écoutes répétées qu’il est bon, et qui pourtant nous pose un problème, et de taille : l’inexorable dilution de l’enthousiasme au moment de la rédaction. Quel est ce mystère ? Attendez que je mette ma casquette Sherlock Holmes, voilà, c’est fait, (mais qu’ai-je bien pu faire de ma seringue de cocaïne ?…) enfin, tant pis, l’enquête commence !

Après une première séance d’écoute publique promotionnelle dans un bar parisien (vie glamoureuse du critique-rock bas de gamme : les plus cotés l’avaient déjà à la source), on était très très sceptique devant le second Vampire Weekend. Trop similaire au premier, trop de world soupe, trop de bonne humeur, comme si Jonathan Richman mettait le monde à genoux en se décidant à jammer avec Johnny Clegg, trop improbable pour être honnête. Le temps guérissant tous les maux, les semaines passent et l’on écoute enfin seul chez soi "Contra". Re-bof, on s’accroche, et la sauce prend finalement. Si la première face est une resucée mineure de "Vampire Weekend", la seconde ouvre le groupe à de nouveaux horizons et aligne cinq morceaux plus qu’honnêtes du punkinet-pop "Cousins" au mainstream crypto-Pat Benatar "Giving Up the Gun" en passant par deux enviables réussites : "Run" à la rythmique foisonnante, et le délicatement chaloupé "Diplomat’s Son", avec son break final perclus d’insuffisance respiratoire qui rappelle à notre bon souvenir le plaisant "Your Woman" de White Town. Y’a bon tout ça ; mais pourquoi alors cette gêne ? Serait-elle proportionnelle aux couronnes tressées ? Pas seulement. Partons de l’énoncé : "Contra" est un bon album, mais qu’est-ce qu’un bon album ? Notre définition toute personnelle est la suivante : un album avec au moins trois morceaux marquants susceptibles d’affoler la touche "repeat". Jusque-là, tout colle plus ou moins. Et justement, le problème se précise : "Contra" est un bon disque, mais n’est que cela. Le son est plus riche, l’ambition plus marquée et le groupe se met par deux fois aux tempos lents avec un certain talent, mais ses risques ne sont qu’apparents. Peut-être que le problème de fond est que Vampire Weekend est un groupe "casual" à l’image de cet écusson Ralph Lauren qui défigure sa pochette bien plus que les yeux flashés de la donzelle blonde.

Et si le nerf de la guerre était une neutralité émotionnelle maquillée en mix alter-global-modialiste ? Un pur hasard nous a fait réécouter l’album de Black Box Recorder, "The Facts of Life", rien à voir a priori, et pourtant le ciel s’est déchiré devant la révélation ! Là encore, un bon disque égal, d’une suavité parfois un peu lassante qui tendrait à jouer en sa défaveur, alors que non, sur la seule foi d’un total coup de génie, "The Facts of Life", l’un des plus grands singles de la décennie à peine close que l’on s’est surpris à écouter en boucle une après-midi entière. En fera-t-on de même en 2020 avec "Diplomat’s Son" ? Ne préjugeons pas de notre faiblesse, mais on en doute quand même. La douceur pop parfaite du morceau de Luke Haines fait ressortir l’ambiguïté de ses paroles sur l’adolescence décrite de façon faussement scientifique par la voix à peine trop sucrée de Sarah Nixey comme un âge obligé d’apprentissage, de rêve et de désespoir ("It’s just the facts of life. There’s no master plan", quel début de refrain génial, on en crierait ! – moi en tout cas). Avec son rythme en pouls hésitant, la chanson parvient à être à la fois terrible et réconfortante : on pourrait accélérer, mais on n’ira finalement pas plus vite. Le sens de la contrebande développé tout au long de sa carrière par Luke Haines atteint ici son apogée et rend le morceau tout simplement inoubliable et par là même l’album qui le contient.

C’est cette complexité, ce goût des chausse-trappes qui manquent encore cruellement à Vampire Weekend, groupe doué, efficace, ethniquement correct et, pour tout dire, un peu creux, tout à fait dans l’air du temps. Comme on ne peut qu’aimer les chaînes qui nous entravent, finalement on aime bien "Contra", mais, (on peut rêver) le désir fou d’une libération nous fait déjà languir pour des disques autrement plus subversifs, retors et non prévendus à peine leur sortie, éternels naïfs que nous sommes ("Sweet dreams develop into ideas – ideas develop into sweet dreams" : "The Facts of Life")

Christophe Despaux

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A lire également, sur Vampire Weekend :
la chronique de « Vampire Weekend » (2008)

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