VALE POHER – Tauten
(Autoproduit)
Difficile de suivre le parcours de Vale Poher au fil de ces années… Après un premier album remarqué, "Mute", les projets se sont multipiés, audacieux, variés (musique pour pièce de théâtre, un Ep avec remix en aveugle, collaborations), puis "Tauten" vint. Enfin pas tout à fait. Enregistré fin 2007, il doit voir le jour à l’été 2008, puis tout capote, le label refuse de le sortir. Et les interrogations arrivent : comment faire pour le faire exister ? La solution, c’est la démerde, le coeur et l’envie. Envie de lui donner vie, tant et si bien que l’album existe, réel, se trouve sur le site internet ou dans les concerts.
Et par un improbable transfert, les galères de la génèse du disque semblent se retrouver dans son caractère heurté, vif et brûlant. Compact, tendu, rock jusqu’au bout des ongles, "Tauten" est un disque cru. Ses rythmiques sont toujours imprégnées d’urgence, les explosions sont fréquentes et même les moments de calme sont parcourus d’une tension presque palpable. Ainsi, sur les 8 minutes de "Polder", l’auditeur guette un démarrage, croit voir dans chaque fêlure un signe annonçant les riffs puissants, qui finissent par arriver, comme pour alléger le climat devenu oppressant. Mais les détonations ne se font pas toujours aussi longtemps entendre : "Aftermass", "N102", "Dragonfly & Fantasy" sont extrêmement convaincants, directs mais subtils, misant sur le décalage entre la voix de Vale Poher, assez légère, et des guitares hyper acérées. On pense alors à PJ Harvey, mais plus proche de nous à Laetitia Shériff en une version plus rude. De petites audaces sont disséminées au fil des titres (boucles, utilisation du son d’une caméra pour "N102", ambiance dépouillée et aérienne sur "Raus", reverb et ajouts synthétiques sur "Keep Thinking Straight"…), qui apportent respirations et gardent intact l’impact du disque. Toute cette décharge d’électricité aurait pu en effet se révéler éprouvante, mais ce n’est pas le cas, grâce donc à ces petits ingrédients disséminés mais aussi à une vraie constante mélodique, même sur la dernière ruade qu’est "Berlin", heurté et violent. Tous ces éléments achèvent de rendre la non-distribution de "Tauten" incompréhensible. D’une honnêté jamais prise en défaut, d’une force toujours employée à bel escient, "Tauten" est un disque plein de vie, et qui mérite qu’on l’écoute et le fasse vivre à notre tour.
Mickaël Choisi
A lire également, sur Vale Poher :
la chronique de « 3 X 2 » (2008)
la chronique de « Mute » (2005)
Aftermass
N102
Respite
Dragonfly & Fantasy
Peacemaker
Raus
Polder
Brain in Brine
Keep Thinking Straight
Undergo
Berlin