Comment se tirer une balle dans le pied sans le savoir. Attendant paisiblement le début du concert des Pains of Being Pure at Heart en février dernier à l’Aéronef de Lille, j’écoutais distraitement les morceaux diffusés dans la salle pendant l’attente. Et soudain, « Ceremony » de New Order se fit entendre. Passée la grande joie de réentendre ce titre que je n’avais pas remis sur la platine depuis… longtemps, j’ai commencé à cogiter pendant tout le concert des POBPAH, qui n’était pas mal du tout, au demeurant. La force du groupe tient, depuis la sortie de ses EP et du premier album, à son pouvoir d’évocation de cette scène indie, twee-pop, voire shoegaze de la fin des années 80, sa capacité à jouer avec les souvenirs enfouis de l’auditeur, par ses sonorités si typiques, de cette période charnière. On se laissait porter par cette obstination du groupe à ressusciter les Pastels, Ride, les Smiths, New Order… Et la mélancolie qui allait avec. A la fin de ce concert, repensant à « Ceremony », je me demandais si, finalement, si les Pains allaient pouvoir se départir de cette obsession pour ces années 80 indie, et ne pas finir écraser par le poids des aînés. Car diffuser un morceau pareil avant son propre concert revient à mettre en avant ce qui manque à sa propre musique.
J’ai cru à la suite, pourtant : le titre inédit « Say No to Love », sorti en 45 tours, et sa magnifique face B « Lost Saint » laissaient augurer d’une pop décomplexée, radieuse et fière. Et, surtout, innocente et raffinée. Quelque chose comme un croisement entre The Rain Parade et Kevin Shields, entre Phil Spector et Marr/Morrissey. Il y a bien eu une évolution musicale de la part du groupe, mais pas celle que j’attendais.
En écoutant « Belong », la nouvelle livraison du groupe, j’ai parfois l’impression d’écouter des chutes du « Siamese Dream » des Smashing Pumpkins: le groupe a sorti la grosse artillerie sonore en s’adjoignant les services de Flood pour assurer la production de l’album. Connu pour avoir produit U2, les Smashing Pumpkins ou encore PJ Harvey, Flood va ici développer et systématiser une formule sonore un peu simpliste : j’en mets plein la vue, on verra après. « Even in Dreams » et « Girls of 2000 Dreams » reposent tout entières sur un mur de guitares et un son de batterie trop claquant pour être honnête, qui ne masquent que difficilement un manque d’originalité mélodique. De ce fait, le groupe laisse de côté cette finesse maladroite mais réelle, qui avait tant séduit les acheteurs du premier album : pas de traces dans « Belong » d’un refrain aussi irrésistible que celui de « Young Adult Friction ». De jolies choses titillent néanmoins l’oreille, l’espace d’un instant : le single « Heart in Your Heartbreak » ou le panoramique « Anne With an E » portent les signes de la grâce d’antan ; néanmoins, « My Terrible Friend » sonne comme la reproduction d’une formule, une jangle pop si séduisante, mais à laquelle il manque le point central du groupe : la pureté de cœur. Or, cette dernière n’est-elle pas la raison d’être du groupe ? Si le groupe adopte un son qui convient mieux aux stades, il ne résonnera plus dans les chambres des teenagers in love, qui n’attendaient pourtant qu’un groupe comme les POBPAH pour recommencer à rêver.