Ces deux-là étaient-ils faits pour se rencontrer ? Le Français Mehdi Zannad, alias Fugu, et l’Américaine Erin Moran, qui avait sorti en 2004 un très bel album (produit par Richard Hawley) sous le nom de A Girl Called Eddy, ont en tout cas en commun le goût des pseudonymes curieux et de la pop finement ouvragée, ainsi qu’une propension à prendre leur temps. Il s’est ainsi écoulé une dizaine d’années entre leur première rencontre motivée par une admiration mutuelle et la publication sur le label espagnol Elefant du premier album de The Last Detail (le titre original d’un film de Hal Ashby de 1973, “La Dernière Corvée”, avec Jack Nicholson), projet à deux têtes et à quatre mains. La lecture des crédits, qui listent une foultitude de musiciens, d’ingénieurs du son et de studios (à Paris, Londres ou Portland), pourraient laisser craindre un puzzle composite, sans véritable unité. Ce disque resserré (13 plages en 36 minutes et quelques secondes) et superbement emballé frappe au contraire par son homogénéité.
Ce qui ne veut pas dire pour autant que tout sonne pareil. “Talk to Me” a par exemple un petit côté new wave, avec programmations et DX7, tandis que “Die Cast”, qui lui succède, a la trompette plutôt latine, et que “Tears” affiche un son plus rock sixties qui n’aurait pas déparé sur “Revolver”. Les deux morceaux écrits par Erin Moran seule, qu’elle chante, se démarquent aussi légèrement, sans vraiment jurer avec le reste : des ballades un peu plus introspectives, au son un peu plus folk, que les titres composés ou cosignés par Mehdi Zannad. Un musicien dont on connaît le goût pour les grands de la pop, de Macca à Brian Wilson en passant par Emitt Rhodes et les Byrds. On sait aussi qu’il est architecte et dessinateur de formation, et les qualités que demandent ces activités – minutie, rigueur absolue dans la construction, sens des proportions – se retrouvent dans sa musique. Sur “Fun Fair”, “Take My Hand” ou “Lazy” (version en anglais de “Paresse”, qui clôturait il y a sept ans son formidable album “Fugue”), il n’est pas loin d’égaler ses maîtres. Qu’il tutoie même sur “Places”, sommet mélodique et émotionnel du disque.
“The Last Detail” témoigne donc du grand talent de ses deux discrets coauteurs, mais aussi de l’émergence en France d’une génération de musiciens et producteurs ayant parfaitement assimilé l’héritage anglo-saxon. Olivier Marguerit, Jean Thévenin (Jaune, Frànçois and the Atlas Mountains), Julien Barbagallo, Angy Laperdrix, Xavier Boyer et d’autres membres de Tahiti 80 ont ainsi prêté main forte au fil des sessions. Si ce disque est à ce point riche en détails qui comblent nos oreilles de bonheur, c’est aussi grâce à eux.
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