Autant le préciser d’entrée de jeu : l’objectivité n’aura pas sa place dans cette modeste évocation du grand retour discographique des britanniques d’House of Love. La relation que j’entretiens depuis tant d’années avec la formation londonienne est en effet bien trop passionnée pour imaginer me risquer à remettre en cause ici la qualité de ce très attendu « She Paints Words in Red ».
Enregistré en une dizaine de jours seulement à l’automne 2012 par Pat Collier (déjà préposé à la console lors des débuts du groupe), ce nouvel album aurait certes pu n’être qu’une nouvelle pièce anecdotique versée à l’épais dossier House of Love. Mais on sait bien que ces musiciens plus que respectables ne sont pas du genre à faire les choses à moitié, à jouer la carte du retour opportuniste et âprement négocié contre espèces sonnantes et trébuchantes. Là où le précédent et pourtant plus que convenable « Days Run Away » (2005) ne provoqua au final qu’une exaltation plutôt retenue, y compris chez les plus fidèles soutiens de la bande, on comprend cette fois dès la première écoute que les choses prennent ici une tournure autrement plus sérieuse. On retrouve ainsi intacte la magie d’un duo Guy Chadwick/Terry Bickers qui renoue avec la complémentarité légendaire de ses plus belles heures. Illuminés par les arpèges délicats du guitariste prodige, les titres les plus nerveux (« A Baby Got Back on its Feet », « Money Man »…) semblent destinés à nous faire revivre en douceur le frisson des standards « Shine On » ou « Destroy the Heart ». Sans parvenir à recréer à l’identique l’intensité de ses classiques passés, la paire négocie pourtant à merveille l’exercice délicat qui consiste à pratiquer ce qu’elle sait faire de mieux sans pour autant verser dans l’auto-parodie. Exemple criant de cette réussite, « PKR » est une nouvelle version d’un titre ancien -« Purple Killer Rose »-, qui fait pourtant résonner intensément la fraîcheur de l’inédit, sans avoir le goût du réchauffé.
Je retiendrai surtout de cet honorable album du retour un chapelet de compositions pop-folk ciselées avec application (« Hemingway », « Sunshine Out of Rain » ou encore ma favorite « Trouble in Mind ») qui me renvoient aux tons sépias de la délicieuse promenade solitaire engagée par Guy Chadwick en 1997 (« Lazy, Soft & Slow »). C’est ici, dans des chansons au charme automnal immédiatement reconnaissable, que réside la beauté d’une écriture nostalgique que l’on n’osait plus espérer voir fréquenter à nouveau à de telles altitudes. Espérons donc maintenant que cette sixième réalisation, à la fois foncièrement humble et réellement étincelante, contribue à remette un peu de lumière sur l’une des plus fines plumes musicales du Royaume-Uni. Et, pourquoi pas, rendre ainsi à The House of Love la place qui est la sienne dans l’histoire de la pop anglaise.