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Festivals

The Great Escape 2015

Envie de renouveler sa playlist et de faire le plein de découvertes musicales ? Le festival brightonien The Great Escape, « Europe’s leading festival for new music » comme les bannières aiment à le rappeler, est un condensé de musiques émergentes : 450 artistes répartis dans 35 lieux disséminés dans toute la ville. Retour en mots et en images sur les coups de cœur de cette dixième édition, ayant accueilli 20 000 personnes sur 3 jours.

Jour 1

450 artistes, des sets de 30 minutes, 35 lieux, 3 jours : voilà les données qu’il faut avoir en tête quand on décide d’assister à The Great Escape, festival sis à Brighton, ville balnéaire à une heure au sud de Londres. Inutile de préciser que d’enthousiasmantes surprises comme des déceptions sont forcément au rendez-vous de ce genre d’événement où la maîtrise d’un outil de planification est presque aussi utile que l’intuition musicale. L’étude de la programmation en amont du festival s’impose si l’on ne veut pas rater la prestation du groupe qui monte ou celle de son chouchou, à moins de compter sur le hasard pour trouver son chemin dans ce labyrinthe des musiques émergentes. Il est toutefois impensable de pouvoir assister à chaque concert convoité, tant le planning ressemble à un casse-tête dont il faut éliminer des cases pour en faire rentrer d’autres.

Brighton plage

Le premier jour du festival est typiquement britannique, en tout cas d’un point de vue météorologique : il pleut des cordes tandis que l’on se débat avec un plan pour trouver le point de retrait du pass dans une ville que l’on est sur le point de connaître comme sa poche. Point positif à cette chasse aux trésors musicaux à travers différents lieux de la ville : être capable à la fin du week-end de renseigner quelqu’un qui chercherait son chemin ! Le temps de retirer le fameux sésame que l’on doit déjà faire une croix sur le premier concert prévu : Chili and the Whale Killers.

Il est déjà 13h quand nous nous apprêtons à voir Flyying Colours sur la scène de la cave du Komedia. Dans un festival où les groupes tentent d’étirer au maximum les 30 minutes imposées par une organisation quasi-militaire, les quatre Australiens sont à l’inverse sur le point de plier leur set en 3 chansons à l’énergie punk. Côté musique, on lorgne plutôt du côté du shoegaze de My Bloody Valentine tandis qu’un des morceaux impliquant percus et tambourin rappelle les Stone Roses. Le tout est joué très saturé, sans répit entre les morceaux, la voix féminine (un peu trop) en retrait quand elle devrait nous réserver des respirations entre les parties de chant du frontman aux cheveux longs. Un dernier saut et c’est déjà fini pour Flyying Colours.

Flyying Colours

On prend tout juste la température de ce que représente The Great Escape : faire des concerts en pleine après-midi dans des caves sombres et enfumées alors qu’on tente de sécher ses vêtements trempés (mais dans ce type de festival, point de boue !), quand on s’aperçoit que cela signifie aussi découvrir des artistes en délégation nationale, comme aux J.O. ! A l’étage du Komedia (le « Studio »), c’est dégustation suisse (littéralement, les Suisses ont sorti le buffet pour appâter le chaland). Et autant dire qu’il s’agit de la révélation du week-end, déjà programmée aux dernières Transmusicales de Rennes : Puts Marie, pourtant fondé à Bienne il y a une quinzaine d’années déjà.

Puts Marie 1

 

Débarrassés des costumes qui les travestissaient autrefois sur scène, les membres du groupe, en dormance depuis quelques années, délivrent malgré l’absence de déguisements une expérience live qui réveille les sens, même à l’heure de la sieste. A commencer par le charisme de Max Usata, qui n’atteint jamais le snobisme : le regard sombre perché quelque part au fond de la salle, le chanteur à la voix rocailleuse (on pense à Tom Waits) cultive le comportement névrotique à force de s’enrouler le micro autour du cou, de mettre et de remettre des objets (sa bière, son micro…) dans sa poche de poitrine, de hurler dans un hygiaphone ou de taper sur sa grosse caisse comme un forcené.  Max finira même une des chansons dans la fosse, à la place du public, à admirer le groupe sur scène. Le style bric-à-brac, entre le blues, la soul d’Amy Winehouse, les soli noise ou les ballades de Nick Cave, fait penser à d’autres frontaliers, les Belges de dEUS. Il y a la langueur sexy de la voix, les chansons qui s’allongent, les épisodes bruitistes et les cris qui font croire à des improvisations réussies du premier coup. Il n’y a qu’à écouter l’immédiateté pop et pourtant déjantée de « Pornstar » pour s’en convaincre. Rendez-vous à la rentrée pour un nouvel album (après le EP « Masoch », arrive « Masoch 2 ») et une tournée en France, à moins que vous ne les attrapiez d’ici là sur la route d’un festival…

Puts Marie 2

Le timing est serré, on file au pub du Prince Albert, une institution brightonienne décorée sur sa façade des figures de musiciens n’étant plus de ce monde (de Kurt Cobain à Johnny Cash en passant par Ian Curtis, Michael Jackson, Amy Winehouse, Marc Bolan ou Jim Morrison) et même d’un graff du grand Banksy. A l’intérieur, les Autrichiens (The Great Escape, c’est exotique) Mile Me Deaf envoient déjà du lourd dans une salle qui paraît pleine à craquer. Il faut simplement savoir que l’Anglais ne se serre pas sur le devant de la scène, et qu’il y a en général toujours moyen de se faufiler au premier rang dans une fosse apparemment bondée. Le grand mystère restera l’apparence d’un des guitaristes dont les cheveux longs cachent le visage tout au long d’un set bien plus stoner que ne le laissait imaginer le morceau de la playlist, « Brando ». C’est un leitmotiv du festival : on reconnaît avec plaisir le single entendu sur Internet, et on regrette parfois de ne pas avoir pris le temps d’en écouter davantage. Ça n’est pas le cas avec Mile Me Deaf qui sauve la mise avec son rock indé décontracté alternant des chœurs aigus sur la chanson susnommée, des réminiscences d’un Nirvana période « Sliver » et un rock cool à la Pavement, plus éloigné des guitares et basses assez lourdes en live.

Mile Me Deaf

Il ne nous reste que quelques minutes à consacrer au groupe suisse Kadebostany avant de prendre la pause quotidienne (et salutaire) de 16h à 19h : l’occasion de se requinquer avant d’enchaîner sur les concerts du soir (un carrot-cake n’a jamais fait de mal à personne), ou pour les plus hardcore, de profiter du Alternative Escape, le festival off comptant plus de 200 artistes jouant dans des bars ou dans les rues de Brighton (et parfois aussi connus que leurs camarades du festival officiel).

Reprise des hostilités en début de soirée avec le deuxième représentant australien de la journée, le jeune Fraser A. Gorman. Il a des allures de Bob Dylan avec ses cheveux frisés, sa guitare et son harmonica autour du cou, à nous raconter les petites histoires du quotidien extraites de son album « Slow Gum » à paraître (rencontre impromptue de son ex-copine au bras d’un autre gars dans « Never Gonna Hold You (Like I Do) »). Mais la comparaison s’arrête là : accompagné d’un bassiste et d’un batteur, son énergie et ses mélodies accrocheuses (« Book of love ») ponctuées de soli de guitares font plutôt penser à Ben Kweller. Il introduit de manière très relax chacune de ses chansons en enchaînant avec un « and it goes like this » dans le plus pur style troubadour…sauf que ce troubadour a un langage un peu plus fleuri. Il réussit à faire danser des Anglais en ce début de soirée sur le plancher de bois de cette salle de concerts pleine de charme du bord de mer, et au visuel efficace : The Haunt.

Fraser A. Gorman

Direction le quartier plus excentré de Kemptown où l’église St. George accueille Susanne Sundfør, pour un changement assuré de décor et de style ; on a toutefois le droit de boire sa pinte dans les tribunes de ce lieu saint, insolite ! Déjà programmée il y a quelques années au festival, la diva norvégienne est en terrain conquis pour un set qui dure 45 minutes (droit suprême de quelques têtes d’affiche). Malgré quelques décibels de trop, il est indéniable que le cadre ajoute ampleur à la performance de Susanne Sundfør qui bénéficie d’un jeu de lumières grandiloquent, mettant en valeur morceaux pop sous influence 80’s (« Delirious », très Kim Wilde !) au même titre que ce que Susanne Sundfør appelle « the boring part of the set ».

Susanne Sundfor 2

Comprendre des passages plus calmes alliant orgue et guitare sèche pour un chant quasi-religieux. La chanteuse lève les bras au centre d’un halo de lumière et fait s’élever des ténèbres sa voix chaude aux harmonies impeccables (on parle de « Céline Dion norvégienne » dans les tribunes) : les fidèles se lèvent et brandissent leur verre à la gloire de Susanne !

Susanne Sundfor 1

On finira la soirée par les premiers représentants islandais du parcours, et pour ma part les plus décevants : Low Roar. Il est certain que le lieu n’aide pas le trio à enflammer l’assemblée : le Brighthelm Centre est le centre communautaire d’une église rappelant les salles polyvalentes des années de mon enfance, les 90’s en l’occurrence. Les effets de lumière sont inexistants et la bannière Amazon nous interpelle au milieu de deux membres qui se font face et n’auront que peu d’échanges avec le public. A noter : une pose encore jamais aperçue sur scène, celle des bras croisés, qui démontrait nous l’espérons plus d’embarras que d’ennui chez le chanteur. Il est temps d’aller nous coucher pour entamer la seconde journée du bon pied.

Jour 2

Comme cela arrive parfois, on se laisse amadouer par un single glissé dans la playlist du festival, et on fonce tête baissée. On s’échappe de la magnifique Spiegeltent (Magic Mirror tout en bois) où les Anglais de Silences déroulent un très gentil pop-folk pour filer voir les chouchous Warm Graves au Komedia. Déjà aperçus lors d’une occasion ratée au Café du Cinéma à Nantes, puis une seconde fois au Pôle Etudiant en avril dernier, ils sont notre repli pour les dix minutes restantes de leur set. Ces dix minutes se transforment en vingt minutes d’un déluge sonore cher au trio cosmopolite basé à Leipzig en Allemagne, et dont le premier album est sorti en début d’année 2015. Une fois les bouchons bien vissés aux oreilles, on s’accroche en fermant les yeux à la batterie arythmique qui se fraie un passage au sein de paysages post-rock hypnotiques où l’orgue et les guitares saturées, parfois cristallines, s’invitent, autour d’un chant lointain qui fait écho aux chœurs posés sur disque.

Warm Graves

On arrive même à pardonner au claviériste son impassibilité et dans l’ensemble le manque de communication du trio en live, tant ces éléments tendent à servir la création d’un univers enveloppant tous les sens et dont on ne sort pas indemnes. Il suffit de regarder l’Italien de la bande marteler ses fûts et les trois reprendre de concert le refrain de « Ships Will Come » pour embarquer avec eux, quitte à les retrouver pour un bout de set le soir même lors de leur seconde prestation du festival au Concorde 2.

Le temps de patienter dans la file d’attente devant le Dome Studio et on n’assistera qu’à deux morceaux du punk-rock sautillant de Spring King. Les Anglais qui montent ont un look peu travaillé qui sied à leur style de musique décontracté, et un batteur qui chante !

Spring King

Même lieu pour une autre erreur de casting : on peut aisément se laisser emporter par l’indie-rock discoïde de Boxed In sur le single dansant « Mystery ». Mais ces morceaux faisant la part belle aux claviers ne suffisent pas à garder nos sens en éveil.

On est bien plus convaincus par le trio néerlandais Birth of Joy, qui enfièvre le Komedia Studio. Le chanteur, proche du physique de Win Butler d’Arcade Fire, triture sa guitare et hurle dans son micro sur un rock à tendance seventies. Un deuxième musicien maltraite avec virtuosité des claviers doorsiens pour diffuser une énergie à la frontière du psychédélisme. Birth of Joy constitue littéralement la naissance d’une nouvelle journée pleine de bonne surprises, à commencer par le premier set de la soirée.

Birth of Joy

Drôle d’endroit pour accueillir la pop délicate de Christopher Duncan et ses deux acolytes venus d’Ecosse. Le Shoosh est un bar lounge sur le front de mer, où l’on se décide à déployer une régie lumière uniquement sur la fin du set. Warm Graves a beau m’attendre un peu plus loin, il est difficile d’abandonner cette voix cristalline (on pense à The Shins) et ces chœurs à la Fleet Foxes, ponctués par moments de sifflements. Les harmonies de guitare sèche et électrique évoluent parfois, épaulées par les claviers, vers la pop baroque de Dorian Pimpernel. Un peu de raideur de la part des jeunes interprètes donne à ce set une touche authentique. Ils feront également une reprise des compatriotes Glaswégiens  de Cocteau Twins, « Pearly Dewdrops Drops ». On guette la sortie du premier album de C. Duncan, « Architect », le 17 juillet prochain sur Fat Cat Records.

C. Duncan

Place aux morceaux format pop de Twerps, qui réussit en moins de trente minutes chrono à créer une ambiance légère et décontractée au Brighthelm Centre à force de petites saillies humoristiques de la part du chanteur Marty Frawley (à propos de la seconde prestation de Twerps à venir au sein du Great Escape : « on ne rejouera aucune de ces chansons »). Les quatre Australiens conviennent qu’il est étrange de jouer en festival sans avoir pris le temps de faire une balance : « weird but fun », nous assure la bassiste et occasionnelle chanteuse Julia McFarlane, qui arbore une coupe à frange couleur aile de corbeau. Les morceaux très courts ont l’élégance brinquebalante des productions de Clap your Hands Say Yeah, et la luminosité immédiate des arpèges des compatriotes de The Go-Betweens. Une expérience rafraîchissante qui conjure la malédiction de la salle communautaire peu accueillante !

Twerps

On commence à prendre racine au Brighthelm Centre en prévision de la performance des Canadiens de TOPS, auteurs d’un deuxième essai en 2014 (« Picture You Staring » chez Arbutus Records). Déjà croisés à Montréal au sein d’un projet parallèle, Paula, David Carriere est accompagné cette fois de ses trois acolytes – Jane Penny au chant et synthés, Alana Marta DeVito à la basse, et un gars, Riley Fleckà la batterie – pour dérouler une pop qu’on aurait trop vite fait de qualifier de légère et synthétique. Le revival 90’s est passé par là (les looks féminins alliant jupette à carreaux et boots, sans compter les T-shirts crop et les vestes en jean), mais la musique repose sur une véritable matérialité, et l’envie de jouer ensemble et la joie de partager sont communicatives.

TOPS

Jane Penny accompagne son chant de mouvements de danse enjoués et la synth-pop de TOPS bénéficie d’une guitare funk ou jazzy rebondissante, et de slows qui apportent de la profondeur à leur set. Après avoir échangé, sourire aux lèvres, avec un membre de l’assistance originaire des prairies canadiennes (Jane et David ont grandi à Edmonton, Alberta, dans l’Ouest canadien), le groupe embraye sur le point culminant du concert, « Diamond Look », single extrait de leur premier album « Tender Opposites », et réussit à faire onduler les premiers rangs de manière endiablée.

TOPS 2

Il nous reste à tenter une entrée au Corn Exchange, ancienne bourse aux céréales de Brighton, et où se produit la tête d’affiche de la soirée, Django Django. La file d’attente s’allonge dans le froid brightonien tandis que les Anglaises sortent en robe de soirée légère perchées sur leurs talons hauts en ce vendredi soir. C’est quelques minutes avant le début du concert que nous nous frayons un passage dans cette grandiose salle à l’ossature métallique typique du 19ème siècle. La scène, plongée dans un clair-obscur, ne laisse entrevoir que des silhouettes se découpant sur des drapés blancs et la projection du « Paresseux » de Lord Frederic Leighton, statue lascive affublée de son quartier d’orange et ornant la pochette du nouvel album.

Django Django

Pendant 45 minutes, les Écossais déroulent le patchwork electro-pop de « Born under Saturn », en dégainant tour à tour guitare, synthés, mais aussi saxophone et, plus original, tambourin géant ! La chaleur gagne les corps dansants des spectateurs, ravis de pouvoir répondre aux injonctions d’entertainer de Vincent Neff, qui réussira à faire s’accroupir et sauter en l’air les 1200 privilégiés massés dans le Corn Exchange ce soir-là !

Jour 3

Après un premier jour à la météo exécrable, et un deuxième marqué par la grisaille, c’est sous un soleil radieux que le troisième et dernier jour de The Great Escape débute, pour faire honneur à quelques artistes venus d’un pays au climat beaucoup plus capricieux. Sur le front de mer, c’est matinée islandaise, sous l’égide d’une compagnie aérienne faisant gagner des billets d’avion pour le pays de Björk aux spectateurs du café Patterns.

Formé depuis 2013, le jeune groupe Vök impressionne par ses montées en puissance qui allient electro éthérée, éclats de guitare réverb et chaleur du saxophone. La chanteuse Margrét Rán passe de l’aspérité susurrée aux cris, sur des envolées de percus, s’acharnant tour à tour sur sa basse ou les touches de ses claviers sous son bonnet jaune. L’énergie déployée par les trois autres membres du groupe, sous influence the XX en plus habité, et déjà auteur d’un EP, « Tension », recueille les applaudissements nourris du public.

Vök

La chanteuse islandaise Sóley vient présenter au festival son deuxième album « Ask the Deep », paru en 2015. Cliché inévitable, l’accent rugueux et la diction mutine de la jeune femme rappellent Björk, quoique sa mise austère (elle est tout de noire vêtue, arborant de grandes lunettes qui lui mangent le visage) dénote avec l’humour décalé et la sensibilité qu’elle déploie pendant son set. Au piano et accompagnée d’un claviériste et d’un batteur aux parties inventives (peut-être l’influence du tapis de sol de la batterie, en fait un tapis de jeu pour petites voitures), les pièces atmosphériques, parfois solennelles, évoluent à l’aide de boucles et de rythmiques trip-hop vers les horizons surréalistes de Coco Rosie. Sóley évoque dans ses chansons une femme cyclope qui dévore l’homme qu’elle aime (« non-autobiographique » précise-t-elle), s’amuse de la fuite du climatiseur à quelques centimètres de la scène et qui arrosera les spectateurs des premiers rangs tel un geyser inversé et, avide de tendresse, quémandera les câlins qu’elle ne peut recevoir en tournée de la part de son fils d’un an.

Soley

Un peu plus tard dans la journée, c’est au tour du jeune songwriter islandais Júníus Meyvant d’animer la salle de bal de l’hôtel de bord de mer Old Ship : la Paganini Ballroom, ornée de lustres en cristal, étouffe nos battements de pied d’un tapis moelleux sur lequel on aimerait se lover pour une sieste. Bien sûr, la musique du rouquin Júníus (de son vrai nom Unnar Gísli Sigurmundsson), seul à la guitare électrique, nous tient éveillés, bien qu’elle aurait pu bénéficier de l’apport des cuivres swing et des cordes de son habituel groupe (notamment sur l’entraînante « Color Decay » qui nous trotte dans la tête longtemps). Les chansons du bonhomme n’ont ici pas la même profondeur, elles sont nues dans leurs mélodies folk, sur lesquelles il pose sa voix cassée, raconte des anecdotes marrantes (une chanson composée pour le mariage d’un ami qui ne s’est finalement pas marié) et fait des rimes, espiègle.

Júníus Meyvant

Entre-temps, la délégation japonaise s’est installée au sous-sol feutré du Queens Hotel pour un début d’après-midi sous le signe des sushis et du thé à volonté. Après s’être restaurés à l’œil, on découvre pour la première fois la prestation d’une formation japonaise, qui délivre une pop-rock énergique à première vue sans grande originalité, si ce n’est qu’elle est tellement typique d’une pop kawaii qu’elle en est séduisante.

Passepied 1

Le groupe Passepied (du nom d’une composition de Claude Debussy), formé en 2009, en est à sa première tournée  en-dehors du pays du Soleil Levant, et tente le chant en anglais parmi des compositions majoritairement en japonais. La chanteuse Natsuki Ogoda, les cheveux aux reflets bleus jusqu’à la taille, robe aux couleurs du drapeau nippon et montée sur chaussures compensées, fait le show, tout comme les quatre autres musiciens qui cherchent à faire participer le public confiné dans cette petite salle.

Passepied 2

Il est préférable de ne pas arriver en retard à St. George’s Church ce soir-là, car la prestation de Gaz Coombes est attendue de pied ferme par de nombreux fans, et constitue l’une des têtes d’affiche de cette soirée. L’ancien chanteur de Supergrass fait son entrée dans une église encore baignée de la lumière de fin de journée, un énorme cierge à la main, accompagné de quatre musiciens.

Gaz Coombes 2

Installé au clavier ou armé de sa guitare, les morceaux de son album « Matador » s’enchaînent, des rythmes quasi R’n’B pour les intros de « Buffalo » et de « 20-20 » aux explosions de chœurs, de claviers psyché et d’urgentes mélodies rappelant les grandes heures de Supergrass.

Gaz Coombes

Il est ensuite temps de courir pour rejoindre l’ambiance crasseuse que les Américains de The Picturebooks ont instillée au club du front de mer The Hub. Après la foule réunie à St. George’s Church, on compte ici les disciples sur les doigts des deux mains, malheureusement.

The Picturebooks 2

Le duo de chevelus et barbus rappelle des Black Angels en mode stoner, proposant un rock pesant, crasseux, joué avec les dents pour le chanteur guitariste, dans la sueur et la damnation pour le batteur surplombant son fût tel un chaudron magique. C’est sombre, c’est crade, c’est lourd et pourtant mélodique à souhait : on secoue la tête de haut en bas avec eux, à défaut de repartir en Harley sur la jetée !

The Picturebooks

Plus tard dans la soirée, les Maliens de Songhoy Blues ont fait monter la température du Dome Studio Theatre, menant leur danse en rythme avec un public en état de transe, porté par leurs rythmes lumineux, tourbillonnants et savamment rock- tel un hommage à Hendrix, leur maître à jouer. Songhoy Blues puise également son inspiration dans la musique africaine (Ali Farka Touré et Baba Salah) et partage une énergie rare : allez absolument les découvrir sur scène!

Songhoy Blues

Laissons aux natifs du Yorkshire The Cribs, actifs depuis le début des années 2000, le dernier mot. Quoi de mieux pour terminer ce week-end de folie que le rock-indé efficace des trois frères Jarman, quasi-inconnus en France, mais dont les refrains taillés pour les stades sont repris par le public briton du Concorde 2. C’est simple, rafraîchissant, pas prise de tête comme de la brit-pop des années 2000, et on se surprend à fredonner l’excellent « Men’s Needs » et sa guitare tourbillonnante à la Strokes et sa basse hachée. Les deux jumeaux chanteurs à la guitare et à la basse font le show, grimpant sur les retours, crachant quelques jurons, et finissent même par éclater une guitare, une scène à laquelle il est encore possible d’assister au festival The Great Escape en cette période d’industrie du disque moribonde…

 

Crédits photo : Pauline Venet et Sandrine Lesage

Live-report Songhoy Blues : Pauline Venet

Merci à Nicola Lamb 

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