« Admiral Fell Promises », le 27ème disque (!) de Mark Kozelek sorti discrètement l’été dernier – le stakhanoviste a déjà enregistré un EP et un live depuis – commence par un morceau magnifique, parfaite porte d’entrée pour un album magique de bout en bout. Une guitare égrène de splendides arpèges pendant 1’30 ». La mélodie, superbe, aux discrets accents hispanisants, s’interrompt tout à coup pour faire place au chant à la fois détaché et chaleureux du chanteur. « No this is not my guitar, I’m bringing it to a friend », ce sont ces mots que Mark Kozelek, aka Sun Kil Moon, chuchote à notre oreille, pas trop fort, telle une confidence.
Effectivement, on veut bien croire que l’ami Mark se tient face à nous, que la guitare cordes nylon qui fait à elle seule toute la musique du disque ne lui appartient pas. Peu importe, pourvu qu’il daigne nous accorder une heure en sa seule compagnie… Et c’est exactement le programme que nous propose « Admiral Fell Promises », à l’instar du génial « Pink Moon » de Nick Drake : passer un moment en tête-à-tête avec un songwriter sublime, simplement accompagné de son instrument.
Avant d’être un album de Kozelek chanteur, « Admiral Fell Promises » est un album de Kozelek guitariste, comme si la voix du maître – toujours impeccable, bien entendu – n’était là que pour magnifier la guitare, véritable vedette du disque.
A l’image du morceau d’ouverture évoqué précédemment, à bien des moments de l’album, le chant s’efface au profit d’une guitare menée d’une main de maître qui dessine des motifs que l’on sent tout autant improvisés que dictés par une science du songwriting imparable mais auxquels, au final, la sublime voix de l’Américain ne peut s’empêcher de faire magnifiquement écho. Et l’auditeur de rester bouche bée, la larme à l’œil, devant tant de beauté mise à nu en toute intimité par un ami de longue date qui, de Red House Painters à Sun Kil Moon, n’en finit pas de décliner sa douce mélancolie au passé, au présent et surtout au futur – gageons qu’un nouvel album studio, forcément magnifique, est déjà sur le feu.