SONIC YOUTH – Andre Sider Af Sonic Youth
(SYR / Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
En 1997 Sonic Youth créait le label SYR afin de sortir en toute liberté une série de disques intitulée "Perspectives Musicales" à travers laquelle le groupe peut laisser exprimer son amour du bruit et des musiques avant-gardistes.
Un label qui annonce fièrement ses intentions puisqu’il reprend le nom et le somptueux graphisme de la mythique collection des années soixante / soixante-dix de Emi / Pathé Marconi qui a sorti un nombre incroyable de disques de musique contemporaine de haute tenue (Luc Ferrari, Edgar Varèse, Mauricio Kagel…).
"Andre Sider Af Sonic Youth" ("l’autre aspect de Sonic Youth" en danois), la huitième référence de cette collection, est un enregistrement live d’une prestation donnée dans le cadre du Roskilde Festival au Danemark en 2005, époque où Jim O’Rourke faisait partie du groupe.
Autant le dire tout de suite on est très loin des douceurs pop à la "Dirty Boots", ce disque étant une performance improvisée de cinquante-sept minutes, chose qui peut faire peur à bien des fans du groupe, même les plus endurcis, d’autant que les New-Yorkais ont invité les représentants les plus extrémistes des musiques bruyantes.
Malgré les inquiétudes que ce genre d’exercice très casse-gueule peut provoquer, la surprise est de taille car cette prestation est une réussite totale.
Après un début assez classique aux délicieuses réminiscences No Wave avec un son qui rappelle les climats de "Washing Machine", l’ambiance se radicalise sérieusement avec les interventions du Suédois Mats Gustafsson aux diverses anches et de Masami Akita / Merzbow à l’électronique.
Le souffle de Mats Gustafsson, qui sonne comme un Albert Ayler dans ses moments les plus déchirants, et les furies électroniques de Masami Akita se marient parfaitement dans un magma impressionnant de puissance pour une vision actuelle et rock’n roll du "Machine Gun" de Peter Brötzmann avec la même volonté de faire s’effondrer tous nos repères.
Pour finir, c’est Masami Akita, qu’on n’avait pas entendu aussi inspiré depuis des lustres, qui assène en solo le coup de grâce aussi sublime que sadique.
La prestation du duo donne d’ailleurs un léger coup de vieux et une petite leçon de bruitisme à notre quintette new-yorkais…
On est très loin d’un quelconque gadget arty, ce turbulent témoignage est déjà un grand cru du catalogue SYR. Un disque pas uniquement destiné à ceux qui n’ont pas peur (car comme a dit un vieux sage "Tout est bruit pour celui qui a peur") de s’abandonner dans ce genre d’expérience, bien au contraire…
Espérons que ce bel exploit qui souffle l’esprit libertaire du free jazz des années 60, fera oublier le triste égarement de la récente compilation "Starbucks Coffee".
Le plus jouissif dans l’histoire, c’est que Sonic Youth et ses invités ont joué en première partie de Black Sabbath et quand on connaît le conservatisme limite réactionnaire des fans de heavy metal, la démarche n’en est que plus savoureuse. Et pourtant, quand Thurston Moore remercie l’audience on n’entend pas le moindre sifflet. On imagine alors le public converti dans une inespérée révélation sonique, à moins qu’il ne soit au bar en attendant l’arrivée des papys du metal…
Cyril Lacaud
A lire également, sur Sonic Youth :
la chronique de « NYC Ghosts & Flowers » (2000)