C’est la mère de Jeff Buckley qui va encore l’avoir dans le baba : cette année c’est Secretly Canadian qui se goinfre avec le must have du fan de Songs: Ohia. Imaginez un peu : un luxueux coffret de carton recouvert de toile bleu nuit, le blason de Songs: Ohia argenté au milieu, 9 Eps, un livret reprenant les artworks des pochettes originales et un truc en bois gravé pour maintenir les 45 tours (le tout en sortie exclusive le jour du Disquaire Day). Après l’inutile (et pas très beau) pendentif du coffret « Sojourner » de Magnolia Electric Co, encore un chouette gadget tout à fait indispensable comme signe de reconnaissance obligatoire pour les congrès de l’Internationale Moliniste. Ce qui nous réjouit tout à fait, hormis, le plaisir du collectionneur (avatar de la joie enfantine de la tirette de la fête à neu-neu : « plaisir d’offrir, joie de recevoir »), c’est la musique inédite, pour beaucoup, de Jason Molina, sous l’alias Songs: Ohia, sa meilleure période selon nous : 1995-2002. Tout un poème.
Qui, avant ce jour, possédait « Boys », crédité « artist unknown » en 1996 et paru sur un flexidisc accompagnant le fanzine « Wingnut, volume 3 » ? Eh bien, cette merveille est maintenant nôtre. Un Jason nasillard, presque d’avant la mue (une des nombreuses mues), s’égosille sur un mélange de country-blues, voire de métal si les baguettes n’étaient pas remplacées par des balais et si les pédales n’avaient pas été oubliées à la maison. Bref, la formule magique est déjà là, live, avec un son crado.
On peut enfin se délecter du plaisir d’une compilation rétrospective de Songs: Ohia tout en découvrant de nouveaux titres car c’est là, la surprise de ce coffret : pas de redite. Quand on connaît la prolixité de Molina, on ne pouvait en douter. On ne trouvera donc pas ici de faces b merdiques, de titres anecdotiques, de fonds de tiroirs à chaussettes. Que du lourd.
On se balade dans ce voyage commémoratif au gré des périodes, des producteurs (Albini, Paul Oldham…) et accompagnateurs, en marge d’albums phares ou explorant de nouvelles voies. Citons quelques perles : « Waltham: simply unite the name » (1996), bijou de métal-folk pour Pinback acoustique sur un single pré-« Black Album ». Ou encore « Darling you are… » (1999), periode « Axess And Ace » mais explorant déjà des chemins de traverse qui mèneront vers « Ghost Tropic » : boîte à rythmes, claviers anémiques, guitares sonnant comme le tonnerre et un texte minimal, ponctué de cris échappés en arrière fond.
On se jettera également sur les versions alternatives de titres déjà connus et chéris. « Vanquisher » (1998), soit « Cabwaylingo » en version solo, sans banjo, avec une pochette découpée par Jad Fair, « Lioness » (2001), oui les gars « Lioness », sous Tranxen et avec Jennie Bedford soit le duo de voix gagnant de « Didn’t it rain ». Ou encore « Black link to fire link », chanson jumelle, voire triplette, de « Cross the road, Molina » et « Ring the bell », toujours sur « Didn’t it rain ».
Si avec ça, vous n’avez pas enchéri sur ebay…
Pour enfoncer le clou : « Nay tis not death » avec banjo, balais, voix. Killer.
Bref, ce coffret est hautement recommandable et carrément indispensable et on évitera de se poser la question : « 90 euros pour un CD de 18 titres et neuf 45T, est-ce bien raisonnable ? », tant l’objet et la musique valent le coup. La résurrection de Jason et la découverte de dix-huit pépites sont à ce prix et comme le dit Onc’ Pascal, le cœur a ses raisons que le porte-monnaie ne connaît pas.
Mais laissons là ces considérations terrestres… Sur « Soul », Jason, accompagné d’un ukulele qui n’a jamais sonné aussi triste, chante « Look what I know… about passion. Look what I know… about mercy. Look what I know… about patience. Look what I know about soul. Cause I know you ».
Les leçons de Maître Jason sont immenses.