L’annonce de la mise en sommeil de Sleater-Kinney en 2006 nous avait laissés abasourdis. Certainement aussi parce qu’on s’y était mis tard avec l’enthousiasme des frais convertis. C’étaient pourtant les oreilles averties de Guillaume de PopinGays qui nous avaient mis sur le coup mais nous avions attendu une prestation impériale des “riot grrrls” sur la scène de Primavera en début de soirée, lorsque le soleil se couche, pour avoir les yeux et les esgourdes dessillées. Chute de canasson en règle sur le dos, les bras ouverts garantis. Ces trois nénettes, aussi charmantes que sympathiques, tuaient tout simplement sur scène avec une classe intégrale, moulinets de guitare, chant sensuel mais pas putassier, batterie qui défonce tout. Et le tout avec une nonchalance de dandies queer. Ah merde, je voulais pourtant éviter toute théorie du genre. Voir Sleater-Kinney jouer l’épique, le foudroyant, le classieux, le touffu « The Woods » (Sub Pop, 2005) était une expérience de rêve et j’en garde encore des frissons sur ma petite peau de vieille pêche.
Alors on s’est consolé comme on a pu : on se disait qu’à défaut de revoir sur scène la brune, Carrie Brownstein, Pete Townshend sexy d’aujourd’hui, on se taperait tout “Portlandia”. On a même vu le pire concert de Malkmus parce que Janet Weiss s’occupait des fûts. C’est dire.
Et puis l’inattendu s’est produit : le retour inespéré avec « No Cities to Love », toujours chez Sub Pop car c’est évidemment dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Cette soupe-là ne sent pas le réchauffé et c’est la grande nouvelle. Evidemment, on ne trouvera pas des titres époustouflants comme le dyptique « Let’s Call It love » / « Night Light » qui concluait élégamment « The Woods » (13 minutes 42 secondes, faites le voyage), mais c’est du bon, du très bon Sleater-Kinney. On y retrouve toute la sauvagerie de l’indie punk rock millésimé 90’s, des mélodies pop chewing-gum imparables, un duo de voix d’anthologie (l’enjôleuse Corin contre, tout contre, la mutine Connie), des guitares charbonneuses, un poil bluesy, épineuses juste ce qu’il faut, épaulées par une frappe de précision.
Comme toujours on apprécie la large palette de couleurs de la styliste Connie, jamais démonstrative mais toujours sur la brèche, avec le riff qui tape bien sûr mais toujours avec une petite pédale qui va bien, un petit truc en plus (voir les coups de griffes qui laissent des traces sanglantes et purulentes sur le puissant « Price Tag ») . On aime surtout l’accord qui règne entre nos deux guitaristes, Corin jouant plutôt sur les cordes graves et les guitares plus lourdes, qui savent si bien se passer de basse. C’est d’ailleurs là un des secrets de Sleater-Kinney et la marque des grand(e)s : deux guitares et une batterie. Basta.
Le hiatus de dix ans (putain, dix ans !) a fait du bien à nos deux commères qui semblent se retrouver comme au premier jour pour proposer leur rock’n’roll couillu, mais bien épilé, un poil prolo (ces bons gros riffs) mais toujours cultivé et finement présenté à l’image de ces paroles efficaces mais bien plus profondes qu’elles n’en n’ont l’air : bref un concentré de musique populaire à son meilleur. Et puis comment résister au plaisir d’entendre feuler nos divines chattes sur « Fangless », se brouiller les guitares sans s’emmêler les pinceaux sur « Surface Envy » ?
On a eu un peu peur en les voyant un poil vieillies et décaties au “Letterman Show” mais force est de constater qu’elle savent encore bien lever le pied et, surtout, relire leur titres en live. Encore une fois, la marque des (très) très grandes et de celles qui ne perdent pas leur humour pour autant (voir la vidéo promo hilarante et pleine de guests stars de luxe du titre éponyme « No Cities to Love »). Elle savent aussi fort bien ouvrir (« Price Tag » déjà cité) et conclure leurs albums avec le bien nommé « Fade », tout noir et rouge, qui arrive à nous tirer deux, trois larmes de crocodiles, tout en retournant une pelletée de terre (de plus) sur la tombe de PJ.
Bref, rien de révolutionnaire mais les Sleater-Kinney, reines absolues des riot grrrls, sont de retour, méchantes et cajoleuses, pas là pour cachetonner mais certainement pour leur plus grand plaisir et donc le nôtre. Laissons les conclure, en citant « Bury Our Friends » : « We’re wild and weary but we won’t give in ». Ainsi soit-il.
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