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Festivals

Route du Rock collection hiver, Saint-Malo, 18-20 février

Après deux soirées rennaises les 11 et 17 février, le volet malouin de cette 6ème Route du Rock hivernale démarre à l’Omnibus avec le duo et couple de Baltimore Wye Oak, qui remplace au pied levé Junip (initialement programmé plus tard dans la soirée), José Gonzalez étant souffrant. La formation est assez inhabituelle : à gauche, Andy Stack joue de la batterie (avec les pieds et la main droite) et des lignes de basse sur un synthé (avec l’autre main) ; à droite, Jenn Wasner chante en s’accompagnant à la guitare électrique, alternant retenue et passages noisy à la Neil Young. Wye Oak joue un indie-rock rappelant les années 90, pas extrêmement original mais bien fichu. Les morceaux du nouvel album « The Civilian » (qui sort ce mois-ci) sont plutôt accrocheurs, et Jann Wasner réussit à rester très féminine tout en endossant un rôle généralement tenu par des hommes. On passe donc un moment très plaisant auprès de cet arbre (le « wye oak » est une variété de chêne). (VA)

 

Tu Fawning, qui succède au duo, est un quatuor reposant sur Corrina Repp et Jon Haege, dont l’association avec Menomena sur la plaquette du festival flirte un peu avec l’escroquerie. Haege a simplement participé à la tournée 2010 du groupe de Portland (ce qui équivaut à affirmer que Tony Vairelles a joué avec les Bleus, ce n’est pas faux mais bon…). Affichant un kit complet de musiciens branchouilles (instruments à vent plus ou moins originaux) au look rétrofuturiste, Tu Fawning s’affirme comme un groupe de scène efficace avec son mélange de percussions tribales, de claviers et de cuivres puissants sur lesquels se pose un chant folk le plus souvent mélancolique. Mais ce soir-là, du fait de leur arrivée à l’Omnibus très peu de temps avant leur entrée en scène, leur prestation reste néanmoins un peu bancale, laissant poindre dans l’auditoire un sentiment d’insécurité digne d’un reportage de TF1. Une intéressante découverte toutefois. (VLD)

 

Dean Wareham - Route du Rock, février 2011 - 2Dean Wareham - Route du Rock, février 2011 - 3

Vétéran de cette édition, Dean Wareham (48 ans cette année) avait décidé de revisiter ses jeunes années en interprétant quelques morceaux de Galaxie 500, son mythique premier groupe actif de 1987 à 1991. Faute d’une véritable reformation avec Damon Krukowski et Naomi Yang (qu’on peut encore attendre…), il a enrôlé sa femme Britta Phillips et le batteur Jason Lawrence à leur place. A son époque, Galaxie 500 était un groupe qui tranchait résolument avec le reste de la scène indé. Vingt ans après, cette singularité demeure : le trio joue moins fort et moins vite que le reste de la programmation, les compositions frappent toujours par leur simplicité et leur dénuement. L’interprétation est sans doute plus pro qu’à l’époque, mais les chansons – « Flowers », « Strange », « When Will You Come Home », « Tugboat »… – ont gardé leur grâce adolescente, leur fragilité presque maladroite. Toujours aussi classe dans sa chemise à carreaux impeccable, Dean « King of Cool » s’essaie au français, cite les noms de Kojak et de Zola (il aurait dû faire un Scrabble), tire de sa guitare des solos connus par cœur et toujours beaux à pleurer. Sur la cover de « Listen, The Snow Is Falling » de Yoko Ono (car dans le répertoire de Galaxie 500, il y avait aussi des reprises), c’est Britta qui chante, magnifiquement. Le concert s’achève, forcément trop tôt, sur un « Fourth of July » qui nous laisse sans voix. Voici une musique sur laquelle le temps n’a pas eu de prise. (VA)

 

Cold War Kids - Route du Rock, février 2011 - 2

La grosse déception est venue du concert des Cold War Kids, qui nous ont offert une prestation tout simplement mauvaise. Cela faisait longtemps que mes yeux ne s’étaient pas autant écarquillés devant un tel désenchantement. Le problème principal est que les nouveaux morceaux sont aussi creux qu’une intervention de Mouloud au « Grand Journal » de Canal+. La bande à Nathan Willett ne sauve les meubles qu’avec ses anciens tubes (« We Used To Vacation », « Saint John », « Hang Me Up to Dry », etc.), et encore, sans administrer la fougue fiévreuse d’antan. Auparavant, le quartette de Los Angeles était un groupe faussement classique, apparemment il l’est devenu dans le sens le plus péjoratif du terme. (VLD)

 

La Route du Rock hiver a coutume de terminer ses soirées avec des groupes qui envoient méchamment du bois, à une heure où l’on a plutôt envie de rentrer se coucher. Cette année, c’est le très brut quartette Disappears, de Chicago, qui s’y colle. Avec un atout de taille : la présence derrière les fûts de Steve Shelley, le batteur de Sonic Youth. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il ne s’économise pas. Sa frappe à la fois précise et puissante apporte une base solide au punk-garage crasseux et saturé du groupe, pas forcément révolutionnaire (entre les Stooges et les premiers Wire, avec des influences Krautrock et psyché, pour aller vite), mais sacrément efficace. Bien accueilli, Disappears s’offre même un rappel, pour le plus grand plaisir des derniers courageux équipés de bouchons d’oreilles. (VA)

 

Samedi 19 février

 

L’après-midi se passe agréablement, bien calé dans un confortable fauteuil, à écouter d’abord François Floret, l’un des programmateurs de la Route du Rock qui retrace, documents à l’appui, les vingt tumultueuses années du festival (hiver, puis été, puis été et hiver). Lui succède Christophe Brault, le « Monsieur rock » de la région Bretagne, discourant avec autant d’érudition que d’humour sur la cold wave, cette dénomination purement française, qu’il élargira d’ailleurs au post-punk et à la new wave dans leur ensemble.

 

Une bonne introduction au premier concert de la soirée, celui d’Esben & the Witch. Ces jeunes Anglais n’étaient sans doute pas nés à l’époque des grands manteaux noirs et des synthés glaciaux, que leur musique évoque pourtant fortement. La chanteuse Rachel Davies, une brunette à l’air adolescent, fait très bien la sorcière (sans tomber non plus dans les clichés), tandis que ses deux acolytes créent des ambiances gothico-tribales rappelant les premiers Siouxsie, Cocteau Twins ou Dead Can Dance. A un moment, les trois tapent ensemble sur un kit de batterie disposé au centre, sur le devant de la scène, et ça fait son petit effet. Une prestation brève mais intense, même si le trio de Brighton, à l’instar des Américains Zola Jesus ou Salem à qui l’on pense aussi, semble plus doué pour créer des atmosphères prenantes que pour écrire des chansons vraiment marquantes. Pour l’instant, du moins. (VA)

 

On poursuit avec le nouveau groupe de Richie James Follin (ex-Willowz) : Guards, composé entre autres de sa sœur (membre aussi de Cults) et, pour l’anecdote, d’un gars faisant soi-disant partie (cf. jurisprudence Tony Vairelles) de MGMT. Les morceaux se finissent toujours un peu en queue de poisson et donnent l’impression d’un groupe encore en gestation, même si on s’emballe sur certains refrains de cette pop brute et enjouée. Et quand on s’ennuie, on se concentre sur les cheveux filasses de Follin. Au final, on aura droit à une prestation simple, rapide et plaisante des New-Yorkais. (VLD)

 

Isobel Campbell - Route du Rock, février 2011 - 2

Isobel Campbell et Mark Lanegan ne sont pas vraiment réputés pour faire de grands discours sur scène, et de fait la Belle et la Bête n’échangeront pas une parole durant tout leur concert, ni entre eux, ni avec le public. L’ex-Screaming Trees reste même dans une semi-obscurité dont n’émerge que sa main tatouée, éclairée par la lampe du pupitre. Bien qu’ils n’en soient plus vraiment à leur premier concert, on ne sent toujours pas une immense complicité entre eux, mais peut-être n’est-ce qu’une impression. Derrière, un groupe tendance country assure un accompagnement sobre et de bon goût, à un ou deux solos de guitare près. Le duo ne surjoue pas les émotions, estimant que les chansons suffisent. Ils ont raison : certaines sont un peu anecdotiques mais la plupart tiennent la route, les moments les plus forts étant ceux où Lanegan chante seul (le capiteux « The Circus Is Leaving Town »), de sa voix râpeuse de baryton qui donnerait la chair de poule à un Amish. (VA)

 

The Pains of ... - Route du Rock, février 2011 - 1

Chez The Pains Of Being Pure At Heart, on est sans doute plus Isobel Campbell (enfin, Belle and Sebastian) que Mark Lanegan. Les jeunes Américains semblent faire une fixette sur les groupes anglais de la deuxième moitié des 80’s et du début des 90’s : la mini-vague C86, le label Sarah Records, la noisy pop… On est souvent à la limite du décalque pur et simple, mais leur sens mélodique et leur enthousiasme font passer la pilule, dans un mélange d’amateurisme (la voix de la claviériste, pas toujours très juste) et de professionnalisme (ça joue carré, sans temps morts). Et puis, avoir l’impression de rajeunir de vingt ans (à l’époque, les musiciens devaient être au jardin d’enfants), c’est toujours agréable. On remercie d’ailleurs au passage les trois Magnetic Friends, DJ’s pendant les changements de plateau, d’avoir encore exhumé quelques perles rares, souvent datées des années 90, de leurs discothèques qu’on devine très bien fournies. (VA)

 

La soirée se conclut avec les Canadiens bruitistes et expérimentaux de Suuns. Je ne sais si c’est pour des raisons inconsciemment historiques, mais il est rare d’assister à une édition malouine sans un groupe de Montréal. Cette fois-ci, les programmateurs ont pioché dans le segment indie-rock/électro minimaliste naïve. Suuns construit des mélodies instinctives aux contours anguleux, se basant sur des déflagrations de guitares saturées et une rythmique froide. S’y superposent des textes plus susurrés que chantées et des lignes de claviers ludiques qui donnent un résultat plutôt accrocheur, pour peu qu’on ne soit pas encore mort de fatigue. (VLD)

 

Dimanche 20 février

Nils Frahm - Route du Rock, février 2011 - 2

Comme chaque année, c’est l’après-midi, dans la vaste chapelle Saint-Sauveur, intra muros, que s’achèvent les festivités. L’entrée est gratuite dans la limite des places disponibles, et le public est par conséquent plus varié qu’à l’Omnibus. C’est le cadre idéal pour la musique de Nils Frahm, pianiste, compositeur et producteur allemand. Loin du rock, son sens de l’épure, du silence, des moments en suspens doit sans doute beaucoup à Keith Jarrett et aux artistes de l’exigeant label ECM, mais aussi aux minimalistes ou répétitifs américains. Frahm, qui a une formation classique sans en avoir le look, joue au clavier électrique de longues pièces mélancoliques, perturbées par moments par une utilisation assez radicale des machines, rappelant autant les rencontres krautrock-ambient d’hier (Cluster/Eno) que les électroniciens de pointe d’aujourd’hui. Envoûtant.

 

Timber Timbre - Route du Rock, février 2011 - 2

Qualificatif qu’on peut également appliquer au concert de Taylor Kirk, alias Timber Timbre. S’accompagnant à la guitare électrique, le Canadien joue également de la grosse caisse (avec le pied, donc), imposant un rythme immuable à son set. Une violoniste (parfois au clavier) et un joueur de pedal steel l’épaulent sous une lumière rouge sang. Le lieu magnifie ses morceaux (l’essentiel de l’album sorti en France l’année dernière et quelques-uns du nouveau à paraître bientôt), confère à son folk-blues dépouillé une dimension presque sacrée. Après Elysian Fields et Winter Family les années précédentes, La Route du Rock se termine une nouvelle fois par un moment de musique rare et atemporel.  (VA)

 

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