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Interviews

Rhum for Pauline – Interview

Les Nantais de Rhum for Pauline publient un nouvel EP après trois ans passés à expérimenter en studio et à jouer live en tant que backing band de Pegase. Intitulé « When Endless Ends », ce trois titres à paraître sur le label nantais FVTVR Records est annonciateur d’un premier album annoncé à la rentrée. Romain Lallement (chant), Thibaud Van Hooland (basse), Emile Ployaert (batterie) et Antonin Pierre (guitare, ex-Pony Pony Run Run) nous racontent la deuxième naissance de Rhum for Pauline à l’occasion du FVTVR Festival à Nantes.

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En cinq ans, vous avez sorti deux EPs : « Miami » en 2010 et « Can Reach the Top » en 2012. Vous venez de sortir « When Endless Ends », votre nouveau trois titres : pourquoi avoir attendu trois ans cette fois-ci ?

Émile : Cela peut effectivement paraître étonnant. Déjà, le fait est que le line-up a changé : le guitariste qui avait fondé le groupe avec Romain (ndlr : Pol Tessier) est parti. Ca a déstabilisé le groupe, car c’était le premier gros changement qu’on connaissait depuis nos débuts. On avait commencé le groupe à l’adolescence, sans trop se poser de questions, et nos goûts et nos influences très différents pouvaient s’exprimer sous un format EP. Mais au moment de faire l’album, on n’arrivait pas à trouver d’unité dans notre musique. On a donc profité du changement de line-up pour réfléchir et se poser des questions : « Qui est-on en tant que groupe ? Qu’est-ce qu’on fait comme musique ? » Ca a pris du temps, avec des moments plus ou moins durs. C’est quand on a décidé d’arrêter les concerts et qu’on s’est recentrés sur la musique qu’on a compris ce qui faisait qu’on était un groupe. On s’est mis à écrire des morceaux sans contraintes. Sans dénigrer ce qu’on a pu faire auparavant, je pense que les chansons de l’album qui va sortir sont les plus sincères et profondes qu’on ait pu écrire. On a vraiment fait un album que l’on est capables d’écouter, ce qui n’était pas forcément le cas avant.

Romain : L’album raconte ces trois années passées à rechercher ce qu’on voulait dire, qui on était et le son qu’on voulait atteindre. Pour la première fois, on n’essaie plus de calquer la musique qu’on aime, ce qui pouvait donner dans les deux EPs un résultat assez disparate. On ressent une unité aussi bien dans le son que dans les paroles. Cet album traduit le passage de l’adolescence à l’âge adulte, la perte des illusions et d’une certaine innocence, les espoirs aussi, et le récit de cette période entre nos débuts, à 18 berges, et aujourd’hui, où on a tous autour de 26 ans.

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Comment se répartit le processus créatif à l’intérieur du groupe : Romain est-il le seul écrire les textes des chansons ?

Émile : Romain est le seul à écrire les paroles et on ne retouche jamais ce qu’il écrit.

Thibaud : C’est plus dur d’interpréter les paroles des autres, donc c’est mieux comme ça.

Antonin : En plus on est nuls pour écrire des paroles (rires). Je suis arrivé il y a un an et demi et je regardais le groupe en tant que fan. Je trouve qu’il y a une profondeur dans les paroles qu’il n’y avait pas avant.

Émile : On a eu besoin de temps pour composer de la musique qui nous touchait tous, pour que tout s’aligne à un moment donné et que l’album ne sente pas le travail.

Romain : « Miami », c’était une succession de saynètes, d’histoires, dont on n’a gardé aujourd’hui pour la scène que les chansons qui tiennent de l’intime et du sentiment amoureux. Sur « Can Reach The Top », on était profondément influencés par la soul des sixties, et par quelque chose de très ensoleillé et de très sautillant…

Émile : …et qui est aussi très étriqué. On a réussi à pondre cinq morceaux dans cet esprit-là, mais cet univers qui se répète ne nous correspondait plus, car on écoute aussi à mort de rap, on écoute à mort de pop psyché, on écoute à mort de jazz etc…Mais pour en revenir aux paroles, il y a toujours les thèmes du spleen amoureux, la question de l’identité, de ne pas être faux…

Votre premier album est prévu pour septembre prochain. Durant ces quelques années en dormance, de nombreux disques ont dû tourner sur la platine, vous avez vu un tas de concerts, vous avez vécu des expériences, peut-être voyagé… Qu’est qui vous a inspiré pour l’écriture ? Y avait-il un son dont vous vouliez vous rapprocher ?

Émile : On a vachement écouté de R’n’B pour l’aspect efficace du chant : ça ne veut pas dire que notre album ressemble à du R’n’B, mais si on peut reconnaître une qualité à ce genre c’est que c’est vraiment efficace. Concernant l’écriture, on a aussi arrêté de faire attention aux structures et au temps des morceaux, même si on a pu couper après l’enregistrement. On s’est permis de faire des choses plus psychédéliques, pas au sens Black Angels, mais en faisant monter des parties, en les répétant, pour essayer de faire passer la puissance ressentie quand on joue entre nous.

A ce propos, le titre « Boyshake Lady » dure neuf minutes, vous aimez les digressions, développer l’improvisation, en live comme en studio ?

Émile : « Boyshake Lady » est un morceau particulier, car c’est en fait le dernier morceau de notre premier EP. On s’est rendus compte que c’était le seul morceau dont on ne se lassait pas, un morceau intemporel dans le thème comme dans la musique. On a donc sorti « Boyshake Lady » dans son état naturel, c’est-à-dire sa version live, car le titre ne sera pas sur le disque. La version originale faisait déjà quasiment sept minutes, mais on l’a allongée en live. C’est le morceau qui crée la transition entre l’ancien Rhum for Pauline et le Rhum for Pauline de 2015.

Vous avez enregistré ce titre live au Château des Ducs de Bretagne : comment cela s’est fait ? Quel sens cela avait-il pour vous ? D’autres idées de sessions ?

Émile : On cherchait un endroit immense pour un placement du groupe bien spécifique (ndlr : en cercle), et quelques jours avant on n’avait toujours pas trouvé. Ca s’est fait ensuite très vite, grâce au réseau qu’on a avec notre label FVTVR, qui est bien reconnu sur la place nantaise. On a appelé et le lendemain on allait repérer les salles où ça pouvait se faire.

Antonin : On a passé tout un dimanche à enregistrer, en plein hiver, et on a eu vraiment de la chance d’avoir une image aussi belle, grâce au réalisateur Anthony Poulon. Il y avait une lumière d’hiver qui passait à travers les fenêtres et qui donnait l’impression d’être dans une cathédrale.

Romain : Cette fois-là, il y a eu une sorte d’instant de grâce en termes de lieu et de lumière, qui collaient parfaitement au morceau.

Émile : Ca a été un hasard heureux avec « Boyshake Lady » et son côté messe. Deux heures plus tard, on a tourné un deuxième morceau, que l’on n’a pas gardé d’ailleurs, car on avait perdu cette lumière, et qu’il ne correspondait pas au lieu. L’idée est de faire de ces sessions des rendez-vous réguliers, et de trouver une adéquation entre les lieux et les chansons.

Antonin : Si le public n’a pas été conquis par Rhum for Pauline sur disque, je pense que le groupe est encore meilleur en live, avec toute l’énergie qu’il fait passer, et c’est pour ça que les sessions marchent bien.

Émile : En fait, on est hyper forts (rires).

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Romain, tu as développé un projet solo sous le nom de Lenparrot. As-tu des références pour le chant ?

Romain : Il y a Freddie Mercury évidemment.

Thibaud : En tout cas c’est toujours Queen qu’il reprend quand on va faire des karaokés !

Romain : Talking Heads par exemple, je trouve ça impeccable dans la manière de jouer avec les mots, et de manière générale on a été influencés par le glam rock : Roxy Music, Brian Eno, Bowie… Donc ce n’est pas forcément en termes de tessiture, mais plutôt dans le songwriting ou dans le placement des textes. En termes de R’n’B, Wyclef Jean et Mary J. Blige. Dans les trucs plus récents, on a écouté Real Estate, Girls…

Émile : Mais ce ne sont pas forcément des influences conscientes, parce qu’à un moment donné on a compris qu’on devait travailler avec la voix très particulière de Romain.

 

Que vous ont apportés les projets parallèles (Lenparrot, Pegase) que vous avez menés avant de revenir à Rhum for Pauline?

Émile : Jouer avec Pegase, c’est un peu ce qui nous a sauvés la vie, à un moment où on avait complètement arrêté de faire des concerts, ce qui est un peu bizarre pour un groupe. Pegase, cela nous a permis de faire une belle tournée tout en écrivant sereinement notre album, et de ne pas arrêter de faire de la scène.

Thibaud : Quand on a recommencé à répéter et à faire des concerts avec Rhum for Pauline après la tournée avec Pegase, je pense qu’on était meilleurs sur scène qu’avec trente concerts dans les pattes il y a trois ans. Cela nous a appris beaucoup de choses, notamment humainement, avec tous les groupes qu’on a côtoyés, mais aussi techniquement.

Émile : Avant, on recherchait plutôt l’énergie dans l’écriture des morceaux et sur scène, car on ne faisait pas confiance à nos chansons, et maintenant on n’hésite pas à explorer des tempos plus lents.

Romain : A un moment critique pour nous, être le backing band Pegase a été super récréatif, et c’était la première fois qu’on pouvait expérimenter une tournée condensée, tous ensemble, mais au service du projet de Raphaël. Ca a été quelque chose de salutaire.

Émile : Pegase m’a sauvé (rires).

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Dans quel état d’esprit êtes-vous à la veille de la sortie de votre premier album ?

Romain : Chauds bouillant (rires).

Émile : On a envie de jouer et de repartir en tournée, des dates sont prévues dès septembre.

Nantes est une ville effervescente d’un point de vue culturel et donne naissance à des carrières sur les scènes nationales et internationales, comme celles de Dominique A, C2C, et plus récemment Christine And The Queens : en tant que musiciens nantais, est-ce que vous rêvez si grand ?

Émile : Je crois que Christine And The Queens ne voyait pas si loin.

Antonin : Et c’est surtout Nantes qui revendique Christine And The Queens que l’inverse ! Mais je crois que Nantes est un bon endroit pour faire de la musique, parce que tu rencontres très facilement les gens du milieu des musiques actuelles, qui n’est pas du tout fermé. Ca limite les clivages.

Émile : Ici tu peux répéter facilement, vivre également pour pas trop cher et faire de la musique sérieusement si tu es motivé.

Thibaud : C’est aussi plus facile pour un groupe de province d’aller jouer à Paris que l’inverse, et ici entre la Bretagne, la Vendée et la Loire-Atlantique, il y a une montagne de festivals pendant l’été dans lesquels on peut se former pour la scène.

En parlant de scène nantaise…Romain, tu as fait appel au collectif nantais A deux doigts pour créer l’univers visuel de Lenparrot, est-ce qu’on peut s’attendre à d’autres collaborations de ce genre pour la pochette du nouvel album ?

Émile : Pour le visuel de l’album, on bosse avec Cyril Pedrosa qui est une star de la BD.

Romain : On est aussi proches du collectif Yodel, et notamment de Gregg Bréhin, un photographe qui a cosigné avec Cyril l’artwork de notre pochette. On travaille aussi avec des photographes comme Camille Dronne pour nos photos de presse.

Thibaud : On va aussi faire appel à des graphistes pour travailler sur des éléments de scénographie, même si ce n’est pas encore bien défini.

Émile : L’idée c’est de faire des choses qui servent notre propos et qui nous ressemblent, avec des gens avec qui on s’entend, et tout cela sans un budget monstrueux, ce qui pousse aussi à piocher dans les artistes locaux.

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Quel titre retrouverait-on dans votre mixtape des vacances cet été ?

Romain : Je mettrais « Gosh » de Jamie XX très fort dans ma bagnole cet été.

Vous avez donc un titre en commun avec la mixtape de Pegase

Thibaud : C’est nous qui lui avons faite (rires) ! C’est vrai qu’on écoute beaucoup ce titre en ce moment.

Antonin : « In The Summertime » de Ken Boothe, un artiste rock steady et ska (il fredonne). Même pour ceux qui n’aiment pas le reggae, c’est génial, car il a une voix soul…et il ne répète pas « jah » tout le temps (rires) !

Émile :  Tony Joe White, « Aspen Colorado ».

Vous jouez ce soir lors du premier festival organisé par votre label FVTVR : qu’en attendez-vous et à quoi le public peut-il s’attendre ?

Romain : Depuis 2009, il y a une effervescence lors des soirées FVTVR. Même si on se croise régulièrement sur Nantes, on est hyper heureux de retrouver toute la famille FVTVR à cette occasion. Ce qui est génial cette année, c’est que ces soirées se déclinent lors d’un festival sur trois jours, dans des lieux différents et on espère qu’elles auront la même saveur.

Émile : Dans les soirées FVTVR, les groupes font toujours des bêtes de concerts, au-dessus de ce qu’ils font d’habitude, pour une raison que je ne m’explique pas. Voir les potes jouer dans les autres groupes doit y être pour quelque chose. Il y a toujours une vraie bienveillance et les gens sont vraiment contents d’être là : c’est fait main.

Thibaud : On est un peu débiles dans ces moments et les gens sentent qu’ils peuvent aussi se le permettre.

Et pour finir, quelques questions « futur »…

Votre film de science-fiction préféré ?

Romain : Je déteste la science-fiction ! Mais j’aime bien « Minority Report » avec Tom Cruise.

Émile : « Soleil vert » pour moi.

Thibaud : « Videodrome » de David Cronenberg.

rfp Raphael

George Orwell a écrit « 1984 » en 1949 : quel serait le titre d’une chanson que vous écririez en 2015 ?

(Tous, très enthousiastes) 1989 ! C’est notre année de naissance !

Si vous pouviez voyager dans le temps, quelle période aimeriez-vous découvrir ?

Thibaud : On a droit au futur ? Moi j’irais dans 5000 ans pour voir si on écoute encore de la musique et si on connaît toujours les Beatles.

Romain : Je serais assez curieux de voir Paris ou Londres dans les sixties, au moment où il y a eu une grande évolution en termes de pop. La période de « Revolver » par exemple.

Émile : J’irais bien au Moyen-âge…ou j’aimerais bien être un mousquetaire, comme dans un film de cape et d’épée.

Antonin : Je voyagerais bien en 1992. Il y a une trop grande nostalgie des années 90 actuellement. Ou alors un truc complètement fou comme le Moyen-âge.

 

Crédits photos : Caroline Chaffiraud et Benjamin Reverdy/Trempolino

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