PLUSH – Underfed
(Drag City / Chronowax)
Avant la musique, il y a une histoire. Celle de Liam Hayes, aka Plush, qui, en 1994, par la grâce d’une seule chanson, mit le petit monde pop anglais et français à ses pieds. La petite merveille en question, "Found a Little Baby", n’était pourtant que la "face B" du premier EP de Plush. Suite à ce coup de maître, Hayes débuta alors avec son groupe l’enregistrement de "Fed", prévu pour être son premier album. Mais il fallut attendre 1998 que sorte "More Becomes You" qui, comme son nom l’indique, n’est pas du tout "Fed" mais plutôt un (trop) court album enregistré principalement seul au piano. Très beau, un peu erratique, mais pas du tout dans la veine orchestrée de "Found a Little Baby". A l’été 99, Hayes se remet au travail sur les morceaux de "Fed", alors déjà vieux de six ans. Cela durera quatre années encore. A ce qu’il paraît, quatre ans de soin maniaque apporté au moindre son, à la moindre note de cuivre. Quatre années aussi à voir s’allonger démesurément la facture de l’enregistrement, à épuiser la patience de son entourage – musiciens, amis, producteurs, label. Quand Hayes s’estime enfin relativement satisfait du résultat, aucun label n’est prêt à prendre en charge les sommes colossales qu’a coûtées l’enregistrement et seul un label japonais prend le risque de sortir le disque, pour le seul territoire nippon. En dehors de l’archipel, les amateurs chanceux ou fortunés réussissent à se le procurer, pour le reste, c’est comme s’il n’existait pas. Il faut attendre juin 2004 pour qu’à la faveur d’un barbecue chez Rian Murphy, ex-batteur de Plush, Liam Hayes ne croise Dan Koretzky, patron du label Drag City, ami d’enfance, perdu de vue depuis, justement, que l’addition pour "Fed" a dépassé les moyens du label du Chicago. Une fois le malaise des retrouvailles dissipé, les deux hommes discutent, et se souviennent du CDR de travail de "Fed" qu’avait confié Hayes à Koretzky en 1999 et que ce dernier avait adoré. Drag City n’a toujours pas assez d’argent pour sortir la version finale du disque, mais pourquoi ne pas commercialiser, en attendant, cette version inachevée ? Reprenant fort justement les atours d’un cd gravé, post-it à l’appui, voici donc "Underfed", ce "brouillon" de "Fed". Et la musique dans tout ça ? Ambitieuses, peut-être pas aussi mémorables que le rêverait Hayes, mais, à la longue, assez captivante, les compositions de Hayes traite avec cohérence et subtilité d’écriture un chapitre relativement inédit de l’histoire de la pop, entre soul lyrique et variété orchestrale. A part peut-être sur "Greyhound Bus Station", seul "tube" potentiel du disque, Hayes refuse tout net la simplicité. Le moindre pont compte trois ou quatre arches et il est bien difficile de trouver ici un refrain tout bête. Au niveau arrangements, cuivres, piano, cordes et orgues s’en donnent à coeur joie, et encore, il en manque des couches par rapport à "Fed" ! Le chant de Hayes, parfois limite – après tout ce ne sont que des démos – mais toujours très humain, très touchant, évoque souvent celui de Randy Newman sur son premier album, voire Harry Nilsson – il y a pire comme références. Il faut en tout cas plusieurs écoutes pour apprécier pleinement la sophistication des morceaux, et au bout d’un moment, on n’est pas loin de commencer à faire de la place dans le classement très disputé des ses disques de l’année. "Underfed" reste certes un disque de démos, cela s’entend particulièrement sur les trois premiers morceaux – mixage et chant approximatifs, cuivres absents… -, et s’oublie presque sur la suite – quelques "plops" viennent nous le rappeler -, et il faut vraiment se replonger dans "Fed" – ou du moins sa version japonaise de 2002 – pour voir la différence. En attendant qu’une version totalement aboutie puisse voir le jour, il est tentant de supplier Hayes d’enfin passer à autre chose avant qu’un pseudo-mythe ne fasse définitivement de l’ombre à sa musique, qui mérite mieux que l’indifférence dont elle est l’objet. Ca tombe bien, car interrogé sur ses projets, l’Américain promet un nouvel album, bientôt, l’année prochaine peut-être… Même si c’est, dans la foulée, pour revenir, encore et toujours à "Fed", pas rassasié.
Guillaume
Whose Blues
I’ve Changed My #
Blown Away
So Blind
Greyhound Bus Station
No Education
Sound of S.F.
Born Together
Unis
Whose Blues Anyway
What’ll We Do
Having It All
Fed Intro
Fed
The Woods