Après quelques aventures discographiques, Philippe Crab revient avec ce « Bestiaire » qui, comme toujours chez lui (et peut-être plus encore sur ce disque), sent le perfectionnisme : la pochette est joliment illustrée par des manuels d’un autre temps, les paroles sont d’une qualité littéraire assez rare et les orchestrations tout aussi soignées. C’est amusant d’ailleurs, cette description, elle pourrait tout aussi bien s’appliquer à Manset (dont l’album hommage, « Route Manset », a été illustré par Bilal à qui le voyageur solitaire, plus qu’une route avait demandé un… bestiaire) ; mais on est ici finalement assez loin de cet univers. Philippe Crab se pose en observateur, s’intéresse plutôt aux détails, au quotidien : à ce professeur âgé et dépassé, à un sentiment fugace révélé par un matin d’automne (« Novembre au matin ») ou dans le métro (« A minima ») ou encore à ce jeune navigateur qui descend une rivière dont les berges sont couvertes des maux de la vie (dans la chanson-fleuve « Le Radeau »). Crab a heureusement un peu réduit son débit de paroles, laisse un peu plus respirer ses chansons, mais n’en reste pas moins prolifique : les presque dix minutes du premier morceau le montrent assez clairement. Pour accompagner ses textes, le chanteur oscille entre chanson, jazz léger et folk : il s’est entouré de bois et de cordes pour créer une musique inspirée (sur ce premier titre en particulier) des musiques des films de Jacques Demy, emprunte d’une certaine tension (« A minima »), ou faisant la part belle aux ambiances bucoliques. Attention cependant à ce que la sophistication des chansons ne vienne pas en fermer les portes ou en boucher les fêlures ; c’est peut-être là le danger qui guette parfois Philippe Crab et c’est sur les morceaux les plus simples (« L’Automne au bois de Vincennes » ou « Novembre au matin ») que l’on goûtera au mieux cet album d’un artisan consciencieux et aux multiples qualités.
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