PETER DOHERTY – Grace/Wastelands
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Faisons abstraction du personnage et de la bulle médiatique qui l’entoure et concentrons-nous sur ce disque. Après une entrée avec les Libertines plutôt prometteuse, une escapade peu convaincante chez les Babyshambles, Pete nous revient en Peter, histoire de faire table rase du passé. Ce premier album solo intitulé "Grace / Wastelands" s’éloigne des titres taillés pour les stades anglais. Un brin mégalo, le CD est orné d’une illustration de Rimbaud greffé d’une partie du visage de notre acolyte… Heureusement "Arcady", premier titre de l’album introduit avec finesse cet opus. Loin de tout racolage, Peter livre ici un petit bluegrass pétillant accompagné ici, comme sur les autres titres, de Graham Coxon, le guitariste de Blur. Les deux guitares entament un dialogue exquis sur un texte enfumé tout droit sorti d’un calumet de William Seward Burroughs. Chassez le naturel, il revient au galop : après cette petite balade blues d’outre-Atlantique, Peter fait revivre les Clash et les Stones Roses avec "Last of the English Roses" – ici, c’est un hymne à l’Angleterre. L’accent est à couper au couteau, et en profondeur, de façon retenue, l’esprit punk de Peter n’est qu’endormi. "1939 Returning", chanson très personnelle, est d’une rare beauté. D’abord la voix approximative, déglinguée, juvénile colle à une splendide composition pleine de grâce. Ensuite, la progression dramatique remarquable de la chanson, ainsi que l’interprétation, digne d’un monologue shakespearien, permettent de créer une véritable émotion, une ode à la nostalgie. S’il règne ici quelque chose de pourri au royaume de Peter pour notre grand plaisir, "A Little Death Around the Eyes" est un titre classieux, au lyrisme que pourrait envier Neil Damon ou Stuart A. Staples tout comme "Salomé", ballade hallucinée, inspirée d’une scène de la Bible. Défroquée, exténuée, la musique de Doherty est ici dégrossie, épurée, et malgré le spleen ressenti tout au long de cet album, il y règne une certaine quiétude, en tout cas une certaine maîtrise qui en fait un très grand disque. "Ô flots abracadabrantesques, Prenez mon cœur, qu’il soit sauvé", disait Rimbaud. Assurément ici, entre la volatile absinthe et la quête d’un bonheur perdu, Peter Doherty, un temps au purgatoire, en est sorti par la bonne porte.
Benoit Crevits
Arcady
Last of the English Roses
1939 Returning
A Little Death Around the Eyes
Salome
Through the Looking Glass
Sweet By and By
Palace of Bone
Sheepskin Tearaway
Broken Love Song
New Love Grows on Trees
Lady, Don’t Fall Backwards