Il y aurait beaucoup à dire sur le langage de « Continental », le nouvel album d’Orwell. Premier disque (quasi) entièrement chanté en anglais, influencé tant par la musique électronique allemande des années soixante-dix que par la baroque-pop anglo-saxonne post-Sergeant Pepper’s, à la fois nantais et oxfordien, berlinois et liverpuldien… On pourrait dire, pour résumer facilement, qu’avec « Continental », Orwell inventerait un langage pop « européen ». Ce serait pourtant oublier un peu vite les précédents albums du groupe, sans lesquels « Continental » n’aurait pas de sens. Car si « L’Archipel » et « Le Génie humain » étaient (quasi) exclusivement chantés en français, ils ne diffèrent finalement pas tant que ça de ce nouvel opus. La langue n’est pas ici question de territoire ou d’espace, mais bien de temps (« Anytime Is Now »). A ce titre, « Le génie humain » restera sans doute d’ailleurs comme l’album méridien : l’axe autour duquel oscilleront les deux pans de la discographie du groupe, l’Archipel et le Continent(al), celui où le temps s’arrête pour changer de vitesse. La langue chantée par Jérôme Didelot n’est rien de plus qu’un outil parmi d’autres servant à poser les briques de son langage pop délicieusement mélodique. Bien sûr que « Continental » est un changement de cap. Il suffit d’écouter la chanson titre qui ouvre cet album pour s’en convaincre. Désormais seul aux commandes (Thierry Bellia est parti former Variety Lab et Alexandre Longo endosse désormais le costume de Cascadeur), Didelot ose un album concept à l’identité plus franche, fait de variations mélodiques et poétiques d’un couple fermé sur lui-même, rêvant à l’horizon d’un pays imaginaire. Boîtes à rythmes vintages et nappes de cordes organiques balisent chacune des chansons, que les harmonies vocales et les synthétiseurs analogiques transcendent de mélodies sucrées. Mais si « Continental » est bel et bien le changement de cap annoncé, l’horizon pop, lui, reste inchangé. Derrière les tubes en puissance que sont « On This Brightful Day », « Anytime Is Now » ou « Everytime the World is Too Loud », c’est « la demi-teinte des pluies d’été » que met magistralement en son Jérôme Didelot. « Follow Me Boy » et l’instrumental « Eastern Vox » marquent ainsi les sommets vaporeux de ce nouveau territoire, plongée en apesanteur au pays de Brian Eno et de 10CC.
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