On ne va pas y aller par quatre chemins. On savait, depuis le EP « Attention », qu’ »À terre » serait le grand disque de pop en français de ce début d’année 2019. Le pari a été tenu. Ce qui est le plus étonnant, c’est que ce deuxième album d’Olivier Marguerit alias O (après “Un torrent la boue” il y a trois ans) relate, magistralement, toute la fragilité de son auteur. On découvre un O à déboires d’ »Oiseau de nuit » et d’angoissé chronique. Il tangue et prend l’eau de (vie de) partout, s’accroche comme il peut à la bibine. Témoin de cette instabilité : des textes très personnels, assez crus, jamais pathétiques, métaphoriques ou oniriques, qui prennent la poudre d’escampette lorsque le grave pourrait s’apparenter au lourd ou, au contraire, assument totalement leur mal-être (les puissants « Les Pédales », « En chute libre », que Berger et Gall auraient seulement pu rêver de loin).
Le tout sur des architectures hypersolides, aux antipodes du côté désaxé revendiqué et chanté, que ce soit des claviers ronds et graves à la Radiohead (« Ce bateau », un poil « Amnesiac ») ou le mariage consommé de l’afro jazz, sous une sous-couche de soukouss au ralenti et de Bon Iver vocodé (« Tu sais, je ne sais plus »). Et puis, partout, ces basses divines, ces chœurs chalala à tomber, cette magie de l’extase musicale que les Beatles (il y a du « It’s Getting Better » dans « Oiseau de nuit » par exemple) ou les Beach Boys saupoudraient partout comme si la source de l’éternelle jeunesse ne devait jamais tarir.
Jamais l’expression des sentiments borderline n’avait été autant noyée dans la joie, à part peut-être chez Katerine, dans un autre registre. Ou alors Schubert, mais c’est une autre histoire.