PRIMAL SCREAM – Evil Heat
(Columbia / Sony) – [site]
"I destroy everything I touch" scande Jim Reid sur le titre "Detroit" : la musique de Primal Scream depuis "Vanishing Point" (1997) se résume à ces 5 mots. On entre en effet dans les albums de Primal Scream comme dans un labyrinthe, sans connaître les épreuves qui nous attendent, sans savoir si un jour on trouvera la sortie, sans savoir si on en sortira pas trop amoché. Ecouter "Evil Heat", c’est se prendre pour un moucheron qui tourne autour d’une lampe halogène : Primal Scream est une lampe halogène et toi tu es le moucheron (oui, toi qui lis ces lignes sur ton écran en te grattant les orteils). Bzzz…Crrtchh…Bzzz…Crrtchh…Bzzz…Crrtchh…
Mine de rien, la musique de Primal Scream tend doucement mais sûrement vers une synthèse parfaite des Stooges et de Kraftwerk. Les références aux destroys de Detroit et aux androïdes de Düsseldorff sont constantes tout au long de cet album. Si les titres des morceaux sont évocateurs (voir plus bas), la musique l’est encore plus. Néanmoins, "Evil Heat" est loin d’être passéiste grâce à la magnifique production de Kevin Shields (toujours parmi les vivants, celui-là) et d’Andy Weatherall qui sublime l’héritage stoogio-kraftwerkien en faisant d’ "Evil Heat" un disque résolument ancré en 2002.
"Evil Heat" oscille ainsi entre dissonance et répétitivité, chaque oscillation écorchant un peu plus le cœur pop de Primal Scream. En cela, cette nouvelle livraison prolonge les travaux commencés avec "Vanishing Point" et "Xtrmtr" : moins strident que le premier et moins technoïde que le second (même si le single "Miss Lucifer" reprend les choses exactement là où "Swastika Eyes" les avaient laissées). D’ailleurs, malgré l’apparente facilité de ces 11 titres, il ne faut pas douter que cette musique est le résultat d’un travail ardu. L’équilibre entre attirance et répulsion qui sous-tend ce disque n’est certainement pas le fruit du hasard mais des expérimentations menées par Primal Scream depuis 5 ans. Pour avoir un aperçu rapide de cette œuvre de déconstruction/reconstruction, commencez par un morceau déjà connu : la reprise pas du tout moustachue de "Some Velvet Morning" de Lee Hazlewood et Nancy Sinatra : son habillage, on ne peut plus éloigné de la production des années 60, est d’une précision électronique diabolique alors que la substance pop, elle, reste formidablement intemporelle, intouchable et intouchée ici.
Au fait, Bobby Gillespie et ses copains sont maintenant quadras et, vous l’aurez compris, cela ne s’entend pas. Quelque part, nous sommes une génération qui a de la chance (à condition d’oublier Oasis) : à cet âge-là Paul McCartney chantait avec Michael Jackson (dans un camion) et les Rolling Stones reprenaient "Harlem Shuffle" (dans un dessin-animé). Une question pour finir : et si, dans la famille des quadras toujours créatifs et énervés, les trois derniers albums de Primal Scream valaient plus que la dernière décennie de Sonic Youth ?
"Look at us but do not touch"
Mister Modular
Deep hit of morning sun
Miss Lucifer
Autobahn 66
Detroit
Rise
The lord is my shotgun
City
Some velvet morning
Skull X
A scanner
Space blues #2