Après un premier album de post-rock intéressant (mais pour ma part pas entièrement enthousiasmant), le groupe Oiseaux-Tempête change légèrement de cap et, du coup, revient avec cet « Ütopiya? » beaucoup plus personnel et convaincant. Alors certes, on retrouvera dans ce nouvel album un son lourd, tout en tension, les guitares puissantes et grinçantes du premier album, ce soin pris pour que le son soit irréprochable et ces morceaux qui s’étirent dans le temps et se développent à l’infini (ou presque – on passe les 20mn sur le morceau final d’ « Ütopiya? »). On retrouve également (mais avec plus de pertinence, je trouve) les field recordings que Frédéric Oberland se plaît à réaliser, insérant ça et là paroles de rue, chant d’un muezzin ou des aboiements lointains.
Mais alors, comment Oiseaux-Tempête a-t-il fait pour se démarquer du premier clône de Mogwai venu ? Eh bien, sur « Ütopiya? », le groupe a accueilli en son sein un nouveau membre à la clarinette basse et laisse clairement des influences free jazz et orientales imprégner sa musique ; le post-rock pur et dur s’aère un peu. Le rock psychédélique d’Oiseaux-Tempête lorgne désormais plutôt du côté de Can ou de Kat Onoma, qui comme eux savent doser judicieusement jazz et rock. Du coup, dès le premier titre, « Omen : Divided We Fall », tout de langueur et de tension, le voyage imaginaire débute : la musique nous promène sur le pont de ce cargo rouillé que l’on voit sur la pochette, sous un ciel et des guitares de plomb, ou plus tard, bercés par le roulis de « Someone Must Shout… » Quelques morceaux plus courts amènent un peu d’ombre et de fraîcheur (« Fortune Teller » et ses arpèges de piano ou « Portal of Tomorrow » notamment). On peut se dire que les 22mn de « Palindrome Series » qui s’ajoutent aux 50 bonnes minutes de l’album ne sont pas tout à fait indispensables mais elles reflètent tout de même assez bien l’énergie que le groupe peut apporter sur scène… Et au final, cet « Ütopiya? » qui privilégie une indolence orageuse à un fracas de tonnerre n’est pas loin de susciter le coup de foudre… et nous offre un parfait road-trip dans l’électricité statique.